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A l'occasion du Superman Day, retour sur la meilleure adaptation du superhéros en collant rouge et bleu. De loin !

Pour la plupart, Christopher Reeve reste la première incarnation de l’homme de fer. Certains se souviennent vaguement d’une série télé N&B (Les Aventures de Superman avec George Reeves), mais on oublie fréquemment que Superman nait à l’écran bien avant tout ça. En 1941, dans une série de 17 cartoons qui marqueront à jamais l’histoire de la pop culture.

Moins de 4 ans après l’apparition de Supe dans les pages d’Action Comics, Paramount engage les frères Fleischer pour réaliser une série de dessins animés. 17 épisodes de 10 minutes avec un budget de 50 000 dollars pour chaque. Le budget d’un blockbuster de l’époque ! Rétrofuturisme, Technicolor hypnotisant, cadrages révolutionnaire, animation à la fluidité affolante : la qualité visuelle est inouïe, même pour les standards d’aujourd’hui. Dans un style réaliste, aux couleurs chaudes et aux effets d’ombres élégants, Superman affronte donc des savants fous, des robots, un dinosaure géant et doit sauver Lois Lane de sa propre hubris… Max et Dave Fleischer signent en fait 9 chefs-d’œuvre aux inspirations diverses (le futurisme italien, le design art déco, l’expressionnisme allemand…) – et en 42, les studios Fleischer sont rachetés par Paramount et les 8 derniers épisodes un peu moins brillants intègrent des éléments de propagande qui alourdissent l’ensemble…

Précurseurs du pop art

Max et Dave Fleischer ? Ces deux frères d’origine autrichienne ont un peu disparu des radars, mais dans la première moitié du XXème siècle, ils furent les seuls vrais rivaux de Disney. Ils ont inventé un procédé d’animation, imaginé le premier personnage parlant du cinéma, lancé les séries Popeye et Betty Boop et failli signer le premier long-métrage d’animation (Gulliver’s Travel qui, à cause d’une grève, sortira après Blanche-Neige). Des génies R&D, des entrepreneurs (ils créèrent le mythique Fleischer Studios - Max produit et Dave réalise) qui avaient aussi une vision artistique absolument démente. Ils s’attaquent au Kryptonien un peu à contrecœur (ils ont tout fait pour refuser poliment la proposition de Paramount), mais quand ils se mettent au travail, c’est d’abord pour bouleverser l’animation. L’utilisation du rotoscope, procédé qui permet de redessiner sur des images live, apporte une fluidité et un réalisme insensés pour l’époque. Les schémas de narration, le genre exploré (l’aventure et la SF) étaient totalement inédits pour des dessins animés. Et on est en droit de penser que leur travail sur l’éclairage et le cadrage annonce le pop art et tout un courant du cartoon adulte à venir.

Mais les frangins profitent aussi de cette série pour définir une bonne fois pour toute l’homme de fer. Exemples en vrac :

C’est à eux qu’on doit le look immuable du Daily Planet ;

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C’est grâce aux Fleischer que Superman ne se contente pas seulement de bondir d’immeubles en immeubles, mais qu’il se met à voler : 

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C’est enfin eux qui imaginent que Clark Kent se transforme dans une cabine de téléphone publique 

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Cette série merveilleuse eut évidemment une influence considérable sur les comics et l’animation. Miyazaki a toujours reconnu sa dette envers les Fleischer et il suffit de regarder les robots de Laputa ou certaines scènes de Porco Rosso pour voir tout ce que le génie japonais doit à cette série

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(à gauche l'épisode Mechanical Monsters et à droite Le Chateau dans le ciel)

Pareil pour Bruce Timm (créateur de la série Batman : The Animated Serie) ou Frank Miller… De son côté, Brad Bird, qui parle des productions Fleischer comme d’une inspiration essentielle, expliquait sur le DVD des Indestructibles à quel point ces cartoons «  avaient des dizaines d’années d’avance sur tout le monde ».

Faites-vous plaisir. En ce Superman Day, plutôt que de revoir les versions de Snyder ou Singer, précipitez-vous sur l’intégralité de cette série – disponible gratuitement en HD sur le net (à cette adresse).