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La comédie est un genre dans lequel nous ne sommes pas habitués à vous voir !Depuis une dizaine d’années, je suis dans le registre dramatique. Il y a eu Phèdre de Racine et puis La Douleur de Marguerite Duras [mis en scène par Patrice Chéreau, ndlr] que j’ai jouée pendant trois ans. J’éprouvais le désir d’un changement radical, l’envie de rire et de faire rire. C’est une émotion plaisante que de provoquer le rire.Pourquoi avoir accepté le projet de Marc Paquien ?Par le passé, on m’avait proposé à deux reprises ce rôle que j’avais décliné. Alors quand Marc est venu vers moi avec ce projet, je me suis dit que, cette fois-ci, je ne pouvais pas le laisser passer. J’avais refusé les deux premières fois car ce n’était pas le moment. Mais là, le rôle s’est imposé comme une évidence. Cela m’a permis de redécouvrir un grand auteur.Carlo Goldoni est un auteur qui a marqué l’histoire du théâtre.Oui, et il faut lire ses mémoires, parues aux éditions du Mercure de France, c’est passionnant. Goldoni a inventé une véritable écriture. Mais il est surtout le premier à avoir écrit de vrais rôles féminins. On doit beaucoup aux Italiens sur la place de la femme dans le théâtre. Laquelle était avant lui quand même assez inexistante.Comment définir La Locandiera ?Comme une véritable comédie dramatique, car les deux genres s’y rencontrent. C’est un beau voyage de deux heures et quart en Toscane, avec des personnages tous exceptionnels.Peut-on dire que Mirandolina est une femme libre ?Elle incarne le charme, la séduction, la féminité. Je viens d’interpréter ce rôle enthousiasmant quatre-vingt-dix fois en province. A chaque représentation, le personnage se révèle. C’est une personne d’une intelligence inouïe. Quand on songe que la pièce a été écrite en 1753, il était rare qu’on évoque alors une femme libre et indépendante.Pourtant cette femme indépendante cherche le grand amour ?Avec le chevalier, ils tombent chacun amoureux l’un de l’autre, mais pas en même temps. Ils ne sont pas de la même condition sociale et cela met une barrière. Il y a quelque chose de politique dans cette pièce qui est toujours d’actualité. Est-ce qu’aujourd’hui un trader peut tomber amoureux d’une jeune femme de condition modeste ?Vous retrouvez André Marcon, qui fait un excellent chevalier bougon.Oui, vingt-cinq ans après ! C’était dans Le Mariage de Figaro mis en scène par Jean-Pierre Vincent. Son chevalier « bougon » est un misanthrope, un misogyne qui aime en réalité autant le genre humain que Mirandolina.C’est important d’avoir tourné le spectacle avant Paris ?Nous avons joué cinq mois, c’est rare de nos jours. C’est épuisant bien sûr. Tout ce temps passé ensemble nous a permis de bien nous connaître. Je suis très heureuse de repartir avec eux pour plusieurs mois à l’Atelier. J’adore ce théâtre, qui m’avait invitée avec La Douleur.Avez-vous un rôle que vous rêveriez d’interpréter ? J’aimerais rejouer du Ibsen, du Tchekhov, du Shakespeare, et pourquoi pas des auteurs contemporains. Je n’ai pas de rôles particuliers en tête, l’essentiel ce sont les auteurs. Comme Goldoni…