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Comment la sélection 2016 a envoyé incognito Rooney Mara et Alicia Vikander sur le banc des rôles secondaires.

Que Mark Ruffalo et Christian Bale soient tous deux nommés parmi les meilleurs seconds rôles aux Oscars peut s'expliquer : Spotlight et The Big Short sont des films d'"ensemble cast", de vrais films d’équipe, portés par un groupe d'acteurs au temps de présence à l’écran à peu près équivalent et d’où aucun "personnage principal" n’émerge. Et même si on peut se demander pourquoi il ne reste que Ruffalo de Spotlight ou Bale de The Big Short (dans lequel Steve Carrell fait des étincelles), on se rappellera qu’il n’y a que cinq places par catégorie.

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Il est plus difficile de comprendre la curieuse logique des Oscars concernant des actrices de Carol, romance lesbienne de Todd Haynes entre Thérèse (Rooney Mara), timide employée de grand magasin à qui l’histoire emprunte le point de vue, et Carol (Cate Blanchett), élégante bourgeoise qui donne son prénom au titre du film. Un détail suffisant pour que l’Académie différencie le travail des deux actrices ? Grâce à Carol, Blanchett gagne un (nouveau) ticket pour l’Oscar de la meilleure actrice tandis que sa partenaire part dans les supporting roles. La même Rooney Mara nommée il y a quelques semaines aux Golden Globes comme meilleure actrice tout court. La même Rooney Mara qui obtenait, il y a huit mois, le Prix d’interprétation féminine à Cannes. D'ailleurs, si le film s’appelle Carol, c’est que son histoire adopte relativement le point de vue de Thérèse / Rooney Mara.

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Autre étrangeté, le cas Alicia Vikander. A l’affiche de Danish Girl dans le rôle très académique de la femme d’Eddie Redmayne, la comédienne bénéficie du même traitement de défaveur : meilleure actrice dans un second rôle. Jouer la compagne bienveillante du héros avait pourtant offert à Felicity Jones (Une merveilleuse histoire du temps) une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice l’an dernier. Mais Vikander n’est pas au bout de ses peines hollywoodiennes : l’étoile montante avait déjà été recalée auprès des actrices secondaires aux Golden Globes, où elle était nommée pour son autre film de l’année 2015, Ex Machina. Et même si elle porte quasiment la première réalisation d’Alex Garland sur ses épaules, la Suédoise s’est retrouvé face à Jane Fonda et sa courte saynète de dix minutes dans Youth.  

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Finalement, afin d'être en lice pour l’Oscar 2016 de la meilleure actrice, mieux valait camper le seul et unique personnage principal d’un drame (féminin, donc) comme l’ont bien compris Jennifer Lawrence (Joy), Saoirse Ronan (Brooklyn) et Brie Larson (Room). Et les seconds rôles de servir de catégorie fourre-tout quand l’Académie tente de faire de la place pour tout le monde  : les laissées pour compte (Mara et Vikander), les seules nanas des "ensemble cast" 100% masculin (Jennifer Jason LeighLes 8 Salopards et Rachel McAdamsSpotlight) et, quand même, un "vrai" second rôle féminin (Kate WinsletSteve Jobs). Il faut dire qu’en occupant l’une des cinq places de la prestigieuse catégorie des leading role, Rooney Mara aurait dû éclipser la ô combien populaire J-Law. Aux Etats-Unis, le nombre de spectateurs de la cérémonie étant en chute libre depuis quelques années, la présence de Lawrence en compétition ne devrait avoir aucun mal à booster les audiences télévisées.  

Ils sont nommés à la fois aux Oscars et aux Razzies en 2016