GALERIE
Jérôme Prébois

Les cinéastes reviennent sur l’aventure de leur toute première expérience dans le genre avec Tralala

Est- ce que l’envie de mettre en scène une comédie musicale vous taraudait depuis longtemps ?

Jean Marie Larrieu : Oui, depuis un bon moment. Dans Un homme, un vrai, on s’y était un peu essayé mais en se planquant un peu derrière le personnage campé par Mathieu (Amalric).

Arnaud Larrieu : On s’était dit alors qu’on passerait le cap un jour, des amis nous y poussaient. Et c’est la rencontre avec le producteur Kevin Chneiweiss qui a tout enclenché, quand il est venu nous dire son envie de travailler avec nous. C’est au fil des conversations avec lui que l’idée de cette comédie musicale s’est imposée

Quelles en ont été les premières bases ?

JML : On savait depuis longtemps que si on se lançait, ce serait avec Philippe Katherine qu’on connaît depuis Un homme, un vrai. On savait aussi que son action se déroulerait à Lourdes. C’est notre Cherbourg, notre Rochefort à nous ! Notre volonté aussi de rendre hommage à la province, à ces villes à la fois kitsch et qui ont une histoire.

Comment réagit Philippe Katherine à ce projet ?

JML : On a pris rendez- vous avec lui sans rien avoir écrit. On lui parle juste de la trame qu’on a en tête : un clochard céleste qui irait chercher à Lourdes une jeune femme ayant surgi dans sa vie comme une apparition et qui, sur place, serait pris pour un autre, une idée qu’on avait lu chez Jim Harrison à qui cette histoire était arrivée.

AL : Et l’enthousiasme immédiat de Philippe nous pousse à nous lancer.

JML : On développe alors l’histoire en se disant que Philippe écrirait les chansons plus tard. Mais il va nous donner de moins en moins de nouvelles car il prépare son album Confessions. Donc assez vite, naît chez nous l’idée de diversité des compositeurs au sein de cette histoire. Que chaque personnage ait le sien et son style de musique attitré. Mais comme on n’a aucun contact avec le monde de la musique, on s’est mis peu à peu à écrire nous- mêmes les chansons. Et on a eu raison de prendre les choses en main ! Car après le succès- phénomène de Confessions, Philippe nous a dit qu’il ne le sentait plus vraiment. Et on l’a très bien compris. D’abord parce que ça demandait un travail colossal. Ensuite parce que Philippe a un rapport au cinéma très clair : il en fait pour être en vacances de lui- même. Or il voyait trop dans Tralala une sorte de miroir. Mais il a accepté tout de même de composer les chansons de Tralala. 

TRALALA: UN MIRACLE DE FILM [CRITIQUE]

Comment s’est fait le casting des autres chanteurs ?

AL : Pour commencer, on voulait que quelqu’un chapeaute ces différents chanteurs. Elise Lügern, notre superviseuse musicale, nous a parlé de Renaud (Letang), dont on avait adoré le travail sur… le dernier Katherine. Il nous a dressé des listes de chanteuses et chanteurs que cela pourrait intéresser et qui seraient capables de travailler rapidement, dans nos délais. Il est devenu très vite une sorte de consultant avant peu à peu de prendre la direction musicale du film.

JML : On avait une playlist qui accompagnait le scénario avec des chansons qu’on aimait bien. Des genres très variés, allant de la musique brésilienne à l’électro minimaliste en passant par la variété et le rap. Cet enchainement d’émotions musicales suivait le déroulement narratif du film et pouvait donner à chacun un terrain d’inspiration. C’est devenu la référence pour tout le monde, Renaud comme les chanteurs, à qui on le transmettait.

AL : Maiwenn nous a spontanément proposé Etienne Daho car ils s’entendaient bien. Pour Mélanie Thierry, Jeanne Cherhal s’est assez vite imposée. Elle a su adoucir notre propos trop théorique sur l’amour et les femmes en y mettant d’elle- même comme quand elle écrit « 40 ans, le plus bel âge pour une femme, je crois ». Tous les chanteurs ont répondu assez vite et chacun à sa manière. Dominique A nous a tous de suite dit son enthousiasme puis on n’a plus eu de nouvelles pendant trois mois et demi ! On l’a recontacté pour lui dire un samedi matin que le délai se rapprochait. Et six heures après, il nous envoyait la chanson !

JML : Quant à Philippe, comme là encore on ne voyait rien venir, on a été coquin, en lui certifiant que Tralala ne chantait quasiment plus, qu’il devait juste trouver les mélodies de la seule qu’il interprèterait. Et on lui a envoyé le texte qui était en fait… un copier- coller de l’équivalent de 17 chansons ! (rires) Et en deux week end, trois semaines avant le tournage, celui qu’on dit à tort désinvolte nous a envoyé une salve de messages. Il avait tout enregistré sur un Iphone avec une guitare, celle de sa belle- mère trouvée dans un grenier. Le résultat a dépassé nos espérances.

AL : Et les séances d’enregistrement avec Renaud Létang aux studios Ferber ont été incroyables. Elles ont eu lieu avant le tournage…

JML : …Pour rassurer tout le monde en laissant la possibilité de chanter en playback sur le plateau. Mais tout ce qui était fait sur le plateau a été enregistré en son direct. Au final… on n’a jamais lancé de playback !

Qui dit comédie musicale dit aussi danse…

AL : On a fait appel à Mathilde Monnier. On l’a choisie car, comme elle l’avait fait avec Katherine, elle a l’habitude de faire danser des gens qui en théorie ne sont pas des danseurs dans l’âme. Notre comédie musicale reposait sur cette idée- là, pas sur des grandes chorégraphies virevoltantes. Sauf dans la boîte de nuit, la scène où il fallait tenir la promesse qu’implique le genre et qui mêle plusieurs genres musicaux. A l’écran, elle fait 17 minutes et on a mis 5 jours pour la tourner où on dirigeait les comédiens en découvrant les chorégraphies de Mathilde car celle- ci avait dû attendre d’avoir les musiques pour travailler et tout est arrivé au dernier moment. Elle a relevé un sacré défi.

Qu’est ce qui a changé dans votre mise en scène en vous confrontant pour la première fois à une comédie musicale ?

JML : Pas grand-chose. Par exemple, comme le reste de nos films, l’action se déroule en 3 jours. L’histoire de Tralala ne tenait de toute façon que sur 3 jours, le temps qu’on découvre qu’il n’est pas celui qu’on croit

AL Notre but ici était de montrer l’irruption de la comédie musicale dans la vie des personnages. Tralala n’est pas un film de genre mais un film où le genre s’empare des gens.