Meru l'ascension impossible
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"Pourtant, que la montagne est belle…" C’est vrai dans la réalité, mais aussi au cinéma. Eté comme hiver, lieu d’exploits sportifs ou environnement d’animaux extraordinaires, la montagne est un décor fabuleux qui fut le cadre de documentaires légendaires. En voilà six pour vous faire rêver, frissonner ou simplement voyager.

En attendant de pouvoir Back to mountain (dès le 11 décembre prochain), retour sur six magnifiques films documentaires qui donnent envie de (re)voir la montagne. 

1 - Free Solo (de Jimmy Chin 2018)

Free solo raconte l’incroyable défi d’Alex Honnold. Ce grimpeur de génie décide de s’attaquer à El Capitan, sommet phare du Yosemite, en solo intégral, la plus pure, la plus exigeante et la plus dangereuse forme d’escalade (sans corde, ni assistance). Un corps à corps va s’engager ; d’abord contre lui-même, puis face à la paroi de 900 mètres, lisse comme une dalle de granite. Le réalisateur Jimmy Chin (déjà responsable d’un autre chef-d’œuvre, Meru, voir plus bas) l’accompagne dans son entraînement et son exploit. C’est lui qui transforme Free Solo en pur film de sport : il y a les massages, les petites angoisses, les vraies douleurs et les grands doutes ; il y a le dépassement de soi, la peur de l’échec, l’hybris du champion ; le record devient une chronique existentielle. Triomphe visuel et technique stupéfiant, doublé d’un script qu'aucun scénariste hollywoodien n'aurait imaginé, le film capte tout. Des instants volés d’intimité au danger de la dalle ; des récits de morts aux making of hallucinant… Odyssée démente, vertige physique et émotionnel où la mort rôde constamment, Free Solo change constamment de registre, de genre et de rythme. La dernière demi-heure (l’ascension) est un des trucs les plus fous vu au cinéma. Et rappelle que la montagne est un écrin pour les films de sports tétanisants. 


 

2/ La mort suspendue (de Kevin McDonald 2003)

L’histoire de Joe Simpson et de son copain de cordée Simon Yates qui, en 1985, tentent la terrible ascension du mont Siula Grande dans les Andes. Une expédition tragique puisque l’un des deux hommes se casse la jambe. Simpson va alors faire face à un dilemme horrible : l’abandonner et survivre, ou mourir avec lui... Hollywood avait acheté les droits du livre et il fut longtemps question de Tom Cruise pour le rôle principal. Le film ne se fait pas, et les droits sont finalement rachetés par une maison de production anglaise qui propose à Kevin MacDonald de signer la réalisation. Ce spécialiste du documentaire, décide de mélanger fiction et histoire vraie pour être le plus efficace possible. Il choisit deux acteurs pour incarner les deux alpinistes, colle au plus près de l’histoire en entrecoupant les scènes reconstituées d’interviews des véritables protagonistes qui, filmés en gros plans, racontent avec précision leur propre chronologie de cette semaine infernale. Les scènes rejouées ont été tournées dans les alpes bernoises et le résultat est bluffant faisant ressentir le froid, la solitude et cette terreur panique violente qui terrassait le survivant.


 

3/ Meru (de Jimmy Chin et Elizabeth Chai Vasarhelyi 2015)

Encore une histoire d’ascension impossible. On suit en immersion les deux expéditions de Jimmy Chin, Conrad Anker et Renan Ozturk, trois grimpeurs expérimentés qui ont un rêve : être les premiers à dompter le Meru, l’un des lus hauts sommets de l'Himalaya, situé dans le Nord de l'Inde. Mais pourquoi vouloir planter son piolet au sommet ? « Pour la vue », s’amuse Conrad Anker. Le film enregistre cette expédition : deux semaines à marcher à la verticale par – 20 °C, seuls. On voit le trio manger, fumer une cigarette et dormir dans un lit de camp recouvert d’une tente. On les voit grimper surtout. Jimmy Chin réussit grâce à des images de toute beauté à donner au spectateur le sentiment d’être le quatrième grimpeur de cette cordée de l’impossible. Au point de ressentir la fatigue, les hésitations, les peurs, les excitations de ces compagnons de l’extrême avec qui l’on partage les sons – le bruit de la pierre ou d’une avalanche – ou le souffle glacial des sommets. Le film est l’occasion de découvrir la réalité d’une ascension et la puissance hypnotique de la montagne extrême.


 

4/ Les étoiles de midi (de Marcel Ichac 1960)

1960. Un documentariste invente dans son coin le… documentaire de montagne ou plutôt le docufiction montagnard. Marcel Ichac n’est pas un inconnu. Compagnon de route de Paul-Emile Victor et de Maurice Herzog en montagne, du commandant Cousteau en Méditerranée, il part réaliser en 59 son grand projet solo : tourner, en haute montagne, un grand film de fiction avec deux idées principales. 1/ Faire de la montagne non pas un décor mais le principal personnage et 2/ ne pas utiliser des comédiens, mais faire rejouer à des alpinistes des scènes dont ils avaient été les acteurs, sur les lieux-mêmes. C’est ainsi que nait Les étoiles de midi. Une fabuleuse exaltation de la montagne, à la ferveur contagieuse, film passionnant parce que sur des hommes passionnés. Pas de trucages, ni de concessions. En racontant trois histoires vécues d’alpinistes, en captant la puissance de la montagne comme jamais auparavant, en se servant du cinéma-vérité pour mieux accompagner ses acteurs, Les étoiles de midi devient un manifeste et sera une influence essentielle de la nouvelle vague - Éric Rohmer signera un beau texte sur le film dans les Cahiers du cinéma.

Les étoiles de midi
Filmartic / Films du Centaure

5/ Gasherbrum la montagne lumineuse (de Werner Herzog 1985)

Gasherbrum, «la montagne lumineuse», se déroule au Pakistan et suit jusqu'à un camp de base à 5 000 mètres d'altitude deux alpinistes. Il y a la star Reinhold Messner et son comparse Hans Kammerlander. Ils s'apprêtent à attaquer, sac à dos, d'une traite, deux sommets jumeaux de l'Himalaya, culminant à 8 000 mètres. C’est un des plus beaux films de montagne, mais c’est avant tout un portrait d’alpiniste. Messner est un drôle de type, un sportif impressionnant qui dépense une énergie folle pour des actes risqués qui n'ont qu’un seul but : l'accomplissement d'un exploit physique et mental hors norme. Pas étonnant d’ailleurs qu’Herzog voit en lui une sorte de double de lui-même. Un truc dans la froideur meurtrie de l'alpiniste le fascine, et sa caméra ne vacille jamais quand il parvient enfin à le faire craquer d'une seule question dite de sa voix gutturale. «J'ai parfois l'impression de pouvoir dessiner sur ces parois de 3 000 ou 4 000 mètres de hauteur comme une maîtresse qui écrit et dessine au tableau, mais je ne trace pas seulement des lignes pensées, je vis ces lignes. Elles sont là et y restent éternellement». Peut-être la meilleure définition de l’alpinisme et du rapport de l’homme à l’écrin montagnard.


 

6/ La reine de la montagne (de Ben Wallis 2018)

A la base, il y a Nés en Chine, fabuleux docu animalier chinois dont l’un des personnages était la mythique panthère des neiges. Ben Wallis qui a travaillé sur ce doc a notamment fait partie de l’équipe qui traquait la panthère. Il a ramené de Chine des images qui lui ont permis de proposer un autre documentaire, mais cette fois-ci sur l'envers du décor et l'incroyable aventure humaine vécue là-bas. Tout est là : la description de la réserve naturelle des Sources des Trois Rivières - la plus grande réserve naturelle de Chine (316 000 km²) et la plus élevée du monde (plus de 4 000 m au-dessus de niveau de la mer) ; l’expédition titanesque pour arriver au camp de base ; les conditions extrêmes – manque d’oxygène, températures infernales, orages dangereux ; et enfin les approches de la panthère, toutes les ruses déployées par l’équipe pour réussir à enregistrer les images (de toute beauté) de cet animal sans nul autre pareil. Le film montre la difficulté que rencontrent les documentaristes lorsqu’ils essayent de nous ramener des images de cet environnement aussi beau que tyrannique et surtout s’approche d’un animal de légende. 

La reine de la montagne
Disney Nature