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C’est peu dire qu’on attend le nouveau film de Christopher Nolan. D’abord parce que, avec Dunkerque, Nolan semble quitter son aire de jeu (la SF à twist) pour flirter avec le grand cinéma classique qui l’inspire (David Lean surtout). Ensuite parce que tous ses films sont des joyaux de divertissement surmanufacturés, qui en disent long sur notre époque et l’état du cinéma contemporain. Enfin parce que, comme d’habitude, le cinéaste a su napper son Dunkerque d’une aura de mystère palpitant. En exclusivité mondiale, il lève le voile sur ce projet dans le nouveau numéro de Première. A travers 8 pages d’interviews il revient sur son cinéma, ce film et son ambition. Passages et extraits inédits qui permettront de patienter…

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1/ C’est un film sur la bataille de Dunkerque

Ca, c’est une exclu pour personne. Mais Dunkerque est un drôle d’épisode de la deuxième guerre mondiale, à la fois victoire (l’évacuation) et symbole de la défaite (de la phoney war). Dunkerque (le film) se déroule pendant l’évacuation qui a eu lieu du 26 mai au 4 juin 40. Après avoir été défaits par les Allemands, le corps expéditionnaire britannique et les troupes françaises sont encerclés par la Wermacht. Près de 400 000 soldats massés sur le littoral attendent d’être rapatriés de l’autre côté du Channel. Mission impossible qui va devenir un tournant de la guerre.

Christopher Nolan : « C’est un moment essentiel dans l’histoire de la seconde guerre mondiale. Si cette évacuation n’avait pas été un succès, la Grande-Bretagne aurait été obligée de capituler. Et le monde entier aurait été perdu, ou aurait connu un sort différent : les Allemands auraient sans doute conquis l’Europe, les US ne seraient pas rentrés en guerre… C’est un vrai point de rupture dans la guerre et dans l’histoire du monde. Un moment décisif. Et le succès de l’évacuation a permis à Churchill d’imposer l’idée d’une victoire morale, ce qui lui a ensuite permis de galvaniser ses troupes comme les civils et d’imposer un esprit de résistance alors que la logique de cette séquence aurait dû être celle de la reddition. Sur le plan militaire c’est une défaite ; sur le plan humain c’est une victoire colossale. »

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2/ Ce n’est pas la première fois que l’on voit ces événements-là au cinéma

« Le miracle de Dunkerque » a été plusieurs fois mis en scène, mais… 

Emma Thomas (productrice) : « Jamais de façon moderne, à part l'incroyable plan-séquence de Reviens-moi (de Joe Wright). Chris pensait que cette histoire devait être racontée de façon moderne. »

Christopher Nolan : « Je n’ai pas vu le film de 1958 (Dunkerque de Leslie Norman avec Richard Attenborough et John Mills). Je ne connaissais même pas son existence avant de commencer la production de mon film. Mais une des raisons pour lesquelles je voulais raconter cette histoire, c’est que je pensais qu’il fallait raconter cette histoire pour les spectateurs d’aujourd’hui. J’ai grandi en regardant les films de guerres britanniques, les classiques comme Damn Busters (Les Briseurs de barrage), mais là, c’est différent »

3/ Ce n’est pas le film de guerre que vous attendez

Avec Dunkerque, Nolan abandonne la SF, les films high-concepts et les labyrinthes mentaux pour… pour quoi au fait ? Un vrai blockbuster guerrier ? Un Soldat Ryan sur la côte d’Opale ? Pas vraiment, non.

Emma Thomas : « Dunkerque est un film sur la survie, sur l'espoir et l'expérience de la guerre. »
Christopher Nolan : « C’est moins un film de guerre qu’un survival drivé par le suspens. Je voulais être dans le moment présent, trouver l’intensité immédiate pour partager l’expérience de ces soldats. Le film raconte une série de situations paradoxales. La plus évidente : l’armée est coincée sur cette plage et doit traverser la Manche pour revenir en Angleterre. Mais à partir de là, il y en a d’autres : est-ce que tel soldat réussira à atteindre le môle ? Est-ce que le pilote parviendra à effectuer sa mission ? Et le film se concentre sur des séquences de suspens qui se réduisent à une dimension humaine. »

Premières photos magnifiques de Dunkirk de Christopher Nolan

4/ Il y a peu de dialogue 

« You are in a dream » dans Inception. « Some men just want to watch the world burn » du Dark Knight… De Memento à Inception ou Interstellar, chez Nolan les grandes scènes et les situations passent souvent par le dialogue ou la voix-off. On parle chez Christopher Nolan. Beaucoup. Mais pas dans Dunkerque

Lee Smith : « Le montage a été plus compliqué du fait qu’il y a peu de dialogue »
Christopher Nolan : « L’empathie pour les personnages n’a rien à voir avec leur histoire. Je ne voulais pas passer par le dialogue, raconter le passé de mes personnages. Le problème n’est pas de savoir qui ils sont, qui ils prétendent être ou d’où ils viennent. La seule question qui m’intéressait c’est : est-ce qu’ils vont s’en sortir ? Vont-ils se faire tuer par la prochaine bombe en tentant de rejoindre le môle ? Ou vont-ils se faire écraser par un bateau en traversant ? »

5/ Tout est parti d’une image 

Parfois tout part d’un script (la première partie du scénario écrit par Jonathan Nolan pour Spielberg – Interstellar) ou d’une idée de mise en scène (le retour en arrière – Memento). Mais l’envie de faire Dunkerque vient d’ailleurs.

Christopher Nolan : « Emma (Thomas) m’a fait lire un livre sur l’évacuation de Dunkerque, mais l’idée du film est partie d’une image : le môle. La vision de soldats massés sur cette jetée longue d’un km et large de 2,5m m’a frappé. Elle me parlait comme une image élémentaire (« elemental image »). Une image primale, quelque chose que je n’avais pas vu avant. Une image qui possède une force allégorique très forte. Ca m’a hanté. Je n’avais jamais entendu parler de cette jetée. »

La mort est partout dans le trailer de Dunkerque de Christopher Nolan

6/ C’est un film immersif 

Nolan est un cinéaste démiurge. Il a inventé des mondes de rêve dans lesquels il plongeait ses spectateurs aussi largués que ses personnages ; il a réduit l’univers à une bibliothèque où l’on était coincé avec Matthew McConaughey… toute sa démarche artistique est de nous embarquer dans ses délires. Là, il s’agit de l’expérience guerrière, mais le but est le même :

Christopher Nolan : « Je voulais qu’on vive la surprise, la frustration des forces coincées à Dunkerque. Quelqu’un qui arrivait sur la plage en mai 40 n’avait aucune idée du nombre, des faits, aucune perspective historique et ça, ça devait être terrifiant. C’était une situation kafkaienne. Des queues immenses qui s’allongent et personne pour vous dire quoi faire, comment, à qui s’adresser… Sentir qu’on est au mauvais endroit. Et qu’on va sans doute mourir… juste parce qu’on est là. C’est ça que je voulais que le spectateur traverse le temps du film ».

7/ Il y a trois histoires

Loin de ses volutes narratives ou de ses plongées à l’intérieur des consciences de masse, Nolan a-t-il enfin réalisé un film simple ? Le trailer, l’incroyable prologue et (accessoirement) la prochaine couverture de Première laissent entendre que l’architecture du film pourrait être complexe. Il y aura quoi qu’il en soit trois points de vue. Celui des soldats sur la plage (avec Harry Styles) ; celui de la marine (avec Cillian Murphy et Mark Rylance, symbole de l’implication des civils dans le sauvetage) et enfin celui de l’aviation (la scène inouïe du combat aérien avec Tom Hardy qui snipe les messerschmidt pourrait être le climax du film). Confirmation :

Christopher Nolan : « Le film est raconté depuis trois points de vue. L’air (les avions), la terre (sur la plage) et la mer (l’évacuation par la marine). Pour les soldats embarqués dans le conflit, les événements se passaient sur des temporalités différentes. Sur terre, certains sont restés une semaine coincés sur la plage. Sur l’eau, les événements ont duré un jour maximum ; et si vous voliez vers Dunkerque, les spitfire britanniques emportaient une heure de fuel. Pour mêler ces différentes versions de l’histoire, il fallait qu’on mélange les strates temporelles. D’où la structure compliquée ; même si l’histoire, encore une fois, est très simple ».

Où voir le prologue de Dunkerque dans les cinémas français ?

BONUS

8/ Nolan s’est inspiré des films muets et de Bresson 

Christopher Nolan a montré plusieurs films à son équipe pour expliquer ce qu’il cherchait à faire. Ca va du Salaire de la peur à Il Faut sauver le Soldat Ryan. Mais il a également revu quelques classiques muets.

Christopher Nolan : « J’ai passé un temps fou à revoir les films muets. Pour les scènes de foules. La manière dont les figurants bougent, évoluent, la manière dont l’espace est mis en scène et la manière dont les caméras captent ça, les point de vue utilisés. Revoir IntoléranceL’Aurore ou Les Proies a été un exercice essentiel et très nourrissant. » 

Au sommaire du nouveau Première : Christopher Nolan, Dunkerque, Buffy, Romain Duris, T2 : Trainspotting, Warren Beatty...

Bande-annonce de Dunkerque :