Les sorties ciné du 11 août 2021
The Walt Disney Company France/ Ad Vitam/ Pyramide

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT

FREE GUY ★★★☆☆

De Shawn Levy

L’essentiel

Mix réussi de Truman show et Ready player one, une comédie d’action qui joue avec la culture geek

Guy suit chaque jour, sans se départir de son sourire, la même routine pour rejoindre la banque pour s’installer au guichet où il travaille. Jusqu’au jour où lui tombe dessus LE coup de foudre. Une jeune femme sur qui il tombe dans la rue… Soudain, il bouscule donc son programme sans se douter que c’est tout son monde, qui va s’effondrer. Guy va en effet découvrir qu’il est une intelligence artificielle dans un jeu vidéo. Un personnage en arrière- plan sans saveur, ni relief. Il décide alors de changer son destin, casser les règles du jeu en tentant de devenir à son tour un héros et de vivre une histoire d’amour a priori impossible quand il comprend que celle pour qui il a craqué n’est que l’avatar d’une joueuse, co- créatrice de l’idée de ce jeu avant qu’il ne soit volé par un puissant industriel

Free Guy réussit ici avec l’univers des jeux vidéo, des super- héros Marvel et de Disney, tout ce que la suite de Space : Jam a raté dans les grandes largeurs avec celui des Looney Tunes et de Warner. S’en emparer de manière ludique, rythmé et joyeuse. Comme un parfait mix entre Truman show et Ready Player one… Et sans se perdre dans ces références puisqu’ils constituent précisément la colonne vertébrale du récit notamment imaginé par Zak Penn, le scénariste de… Ready player one.

Evidemment il y a ici et là quelques facilités scénaristiques pour rester quand même dans les clous d’un blockbuster censé réunir le plus grand nombre. Mais rien ne vient empiéter le plaisir adolescent pris devant ce récit qui n’hésite pas aussi de verser dans un certain cynisme. Voir un film Disney célébrer la victoire des petits créateurs contre les grands groupes qui dévorent tout cru leurs créations en les piétinant sans vergogne, c’est quand même gonflé, non ?

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A AIMÉ

ROUGE ★★★☆☆

De Farid Bentoumi

Rouge, c’est la couleur du sang, de la révolte, de la violence, c’est aussi celle d’une gigantesque entreprise de produits chimiques posée tel un vaisseau cabossé au milieu d’une nature et une humanité menacées et qui ne s’embarrasse pas des règles écologiques. Et donc le titre du deuxième long de Farid Bentoumi qui retrouve son acteur de Good Luck Algeria, Sami Bouajila, dont on ne cesse de redécouvrir l’incroyable talent, qui se paie même le luxe de se bonifier avec l’âge. Il campe ici un père qui ne voit pas venir la tourmente s’abattre sur ses propres certitudes l’obligeant à réagir. Un délégué syndical qui plaît à sa direction, voyant en lui le garant d’un dévouement aveugle de la part des employés. L’arrivée de sa fille (Zita Hanrot) comme infirmière va faire voler en éclat l’équilibre de l’ensemble, en révélant le scandale écologique mis sous le boisseau. Articulé comme un thriller social, Rouge s’appuie sur un récit fouillé et une mise en scène subtile qui ne cherche jamais à dénaturer l’honnêteté des intentions. C’est bien à hauteur des visages crispés et des corps qui résistent que doit se raconter la violence du monde.

Thomas Baurez

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PASSION SIMPLE ★★★☆☆

De Danielle Arbid

Porter à l’écran un monologue intérieur où l’auteur raconte son intimité n’est jamais aisé. Danielle Arbid s’y emploie avec superbe dans l’adaptation de ce livre où Annie Ernaux décrivait en détails sa relation passionnelle adultère avec un diplomate russe marié. L’autrice avait choisi de ne pas détailler les moments d’étreintes. Arbid raconte, elle, le manque qui dévore régulièrement cette femme en célébrant le trop- plein et filmant l’intensité de leurs relations sexuelles avec deux comédiens (Sergei Polunin et Laetitia Dosch) incarnant ce ballet des corps avec un naturel jamais pris en défaut. Cette histoire de soumission volontaire aux désirs d’un homme insaisissable résonne forcément singulièrement dans l’ère #MeToo. Mais elle cache surtout le portrait d’une femme qui, par cette relation trouble, se redécouvre en faisant ressurgir une féminité enfouie dans une exultation des corps envoûtante.

Thierry Cheze

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BERLIN ALEXANDERPLATZ ★★★☆☆

De Burhan Qurbani

Au départ, il y a un roman culte d’Alfred Döblin écrit en 1929 et décrivant en près de 500 pages le parcours d’un délinquant dans le monde de la pègre. Piel Jutzi fut le premier à s’en emparer dès 1931 avec Sur le pavé de Berlin mais le nom de Berlin Alexanderplatz est aussi et surtout lié à son adaptation par Reiner Werner Fassbinder sous forme d’une série- télé fleuve de 15h30 en 1980. Quarante et un an plus tard, Burhan Qurbani (révélé en 2011 par Shahada) s’y emploie à son tour et s’empare du récit en déplaçant l’intrigue de nos jours et en faisant de son héros un réfugié de la Guinée- Bissau, Francis, arrivé illégalement dans la capitale allemande où il va vite se rendre que gagner sa vie honnêtement est impossible. Berlin Alexanderplatz est donc la chronique - découpée en une dizaine de chapitres – d’une tragédie annoncée ou comment le monde souterrain va aspirer Francis à travers sa relation d’amitié toxique avec un dealer et ne lui laisser aucune chance de s’en échapper même quand la lumière semble surgir au bout du tunnel. S’attaquer à une œuvre aussi imposante a quelque chose de vertigineux. Qurbani joue pleinement ce côté monumental, en orchestrant 3 heures d’une orgie de sons et de couleurs débordante et clivante. Cette démonstration de force peut en effet paraître insupportable mais elle finit aussi – à la manière, en beaucoup plus extrême, du Moonlight de Barry Jenkins – par envoûter. Par donner du relief à ce pamphlet contre le racisme qui assume sa non- modestie. Comme pour faire ressentir au spectateur l’étouffement vécu par son héros.

Thierry Cheze

CE QUI RESTE ★★★☆☆

De Anne Zohra Berrached

L’affiche du nouveau Anne Zohra Berrached (Deux mères) ne ment pas. Si un couple y figure, le visage de la femme occupe quasiment tout l’espace avec, sur la droite, coupée et floutée, celui de son mari. Car c’est bel et bien à travers le regard de Aslid, jeune fille d’origine turque qu’on va suivre le récit en dents de scie et riche en surprises tragiques de sa relation avec Saeed, un immigré arabe libanais, venu en Allemagne pour échapper à la guerre, rencontré par hasard dans une fête foraine. Le film s’ouvre donc comme la chronique romantique d’un coup de foudre, où l’on sent certes que les différences culturelles et religieuses entre leurs familles provoquent des conflits (Aslid cache sa relation à sa mère, ils se marient en secret…) mais sans deviner la place qu’ils vont finir par occuper. Et notre surprise sera celle de son héroïne quand, du jour au lendemain, celui qui lui a confié son rêve de devenir pilote, disparaît sans d’explication. Dès lors, réapparitions puis longues disparitions vont se succéder. Evidemment, elle cherchera à fuir cette relation toxique et ce qu’elle perçoit comme une radicalisation. Mais rien n’y fera. La force de l’amour qu’elle éprouve en dépit de tout s’avère, à son corps défendant, indestructible. Et ce jusqu’à une conclusion dont on vous laisse la surprise. Remarquablement incarnée par Canan Kir et admirablement scénarisée, cette réflexion sur la radicalisation sort des sentiers battus par ce parti pris constant de la faire vivre par le prisme de la passion amoureuse aveuglante. Et se révèle haletante sans forcer le trait ou le rythme jusqu’à son dernier plan.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

VENT CHAUD ★★☆☆☆

De Daniel Nolasco

Développer à l’écran un langage cinématographique nourri par les codes de la culture gay sans crainte de se montrer très explicite pour raconter l’histoire d’un employé du département ressources humaines d’une compagnie minière dont le désir – souvent assouvi – pour certains de ses collègues va se muer en pulsions obsessionnelles forcément dévastatrices. Le geste du brésilien Daniel Nolasco n’est évidemment ni anodin, ni gratuit dans le Brésil de Bolsonaro assez peu gay friendly. Visuellement, le résultat est donc percutant et intriguant mais hélas bien trop supérieur et donc quelque peu déconnecté à la conduite d’une intrigue qui tire à la ligne pour arriver à 1h50. Du coup, les scènes flirtant avec de la pornographie paraissent parfois artificielles, comme pour réveiller le spectateur endormi. Soit pile l’inverse du but recherché.

Thierry Cheze

ESCAPE GAME 2 : LE MONDE EST UN PIEGE ★★☆☆☆

De Adam Robitel

En 2019, Adam Robitel avait surfé avec succès (plus de 150 millions de dollars de recettes mondiales) sur la mode des escape games avec un film construit sur un principe d’un jeu mortel à la Saw dont les personnages meurent l’un après l’autre, faute d’avoir trouvé à temps une solution aux énigmes proposées. Cette suite était donc inévitable avec un principe inchangé – six concurrents, dont on va vite comprendre qu’ils ont déjà joué à ce type de jeu et n’ont pas été réunis par hasard – et une course contre la mort qui va égrener ses victimes. Le résultat est indéniablement efficace et a moins le mérite de ne jamais succomber au piège facile de la surenchère gore que vient de nous imposer récemment Spirale, la tentative épuisante de reboot de Saw. Mais pour le reste, le récit ne prend réellement aucun risque, reste dans les clous du genre comme par peur d’abîmer la franchise, jusqu’à sa conclusion hyper bateau qui ne laisse d’ailleurs guère de doute sur un futur troisième épisode.

Thierry Cheze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

SENTIMENTAL ★☆☆☆☆

De Cesc Gay

Voilà 5 ans, le catalan Cesc Gay signait avec Truman une histoire d’amitié bouleversante sur fond de mort qui rôdait pour l’un des deux protagonistes campés par Ricardo Darin et Javier Cámara. Avec un scénario suffisamment fort pour faire oublier le manque de style et de relief de la réalisation. Tout ce que Sentimental fait cruellement apparaître au grand jour. L’histoire d’un couple en crise, Julio et Ana, dont la décision de cette dernière d’inviter à dîner leurs voisins au- dessus que lui ne supporte pas, va ajouter de l’huile sur le feu. Sentimental est adapté d’une pièce de théâtre et le moins qu’on puisse dire est que ça crève l’écran. Mais la platitude de l’image ne fait qu’accompagner celle d’un récit qui s’aventure sur le terrain des relations conjugales et de la sexualité avec des situations et des dialogues qui se rêvent piquants et se révèlent d’un convenu confondant où la bonne morale sera sauve ! On s’accroche pourtant dans un premier temps à l’aspect savoureusement misanthrope et mauvais coucheur de Julio campé par le toujours impeccable Javier Cámara. Mais lui- même ne résistera pas au côté sage et propre sur lui de l’ensemble. Trop programmatique, trop factice, trop scolaire, tout ici ressemble à du (très ennuyeux) théâtre filmé.

Thierry Cheze

 

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C’est quoi ce papy ?! de Gabriel Julien- Laferrière

Paw patrol le film- La Pat’ Patrouille de Car Brunker

Pil de Julien Fournet

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Orfeu Negro de Marcel Camus

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