Harriet Julia Roberts
Universal Pictures International / Hahn Lionel/ABACA

D’après le scénariste Gregory Allen Howard, il a fallu vingt-cinq ans pour qu’Hollywood soit prêt à raconter "l’histoire d’une ancienne esclave libérant d’autres esclaves."

Les choix de casting pour Harriet ont bien failli virer au drame. Reprenant l’histoire d’une femme noire ayant aidé une centaine d’esclaves à fuir le Sud des États-Unis à la fin du 19e siècle, le biopic aurait pu avoir un tout autre visage. Son héroïne historique, qui avait réussi en 1849 à se défaire seule de ses chaînes et s’échapper du joug de ses "maîtres", est incarnée par Cynthia Erivo, déjà vue dans Les Veuves. Pourtant, un autre nom avait été évoqué lors des premières lectures du script, il y a de cela 25 ans déjà : celui de Julia Roberts.

Aussi absurde que cela puisse paraître, le scénariste Gregory Allen Howard s’est en effet souvenu auprès du Los Angeles Times d’une anecdote vécue avec les producteurs, alors qu’il présentait la première version de son scénario en 1994. Après la lecture, le président d’un studio se serait exclamé avec enthousiasme : "C’est une super histoire. Prenons Julia Roberts pour incarner Harriet Tubman." Lorsque quelqu’un dans la salle - la seule personne noire d’après Howard - lui avait fait remarquer que le personnage en question était une personne de couleur, l’homme ne s’était pas démonté : "C’était il y a bien longtemps. Personne ne le remarquera."

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S’est alors ensuivi un véritable parcours du combattant pour l’auteur, devenu également producteur et bien décidé à donner vie à son héroïne. Mais la timidité des studios semble insurmontable dans les années 90 et 2000 : "Ce que je réalise maintenant c’est que le film n’avait aucune chance dans le climat de l’époque à Hollywood. Dans cet univers, personne ne veut s’écarter de la norme, il faut rester dans le troupeau. Et à ce moment-là, le troupeau n’était pas prêt à accepter l’histoire d’une ancienne esclave libérant d’autres esclaves. Chaque fois que j’en parlais aux sociétés de production, on me répondait : "Comment je suis censé vendre ce récit à mon patron, à un studio, à des partenaires financiers ?""

Le succès de deux longs-métrages va cependant changer la donne. D’abord intitulé Freedom Fire, Harriet a finalement été considéré avec plus d’intérêt par les studios après les excellents résultats au box-office de 12 Years a slave et Black Panther. Tous deux récompensés aux Oscars (meilleur film, meilleure actrice et meilleur scénario pour le premier, meilleurs décors, meilleurs costumes et meilleure musique pour le second), ces films ont servi à convaincre les producteurs.

"Ayant connu ce business pendant des décennies," conclut Gregory Allen Howard, "j’apprécie ce changement plus chaleureux de climat à Hollywood, et le fait que des histoires variées puissent profiter de ce système et briller au soleil. Je suis heureux, surtout, qu’Harriet soit arrivée à la fin de cet autre voyage." Harriet est déjà sorti aux États-Unis, mais il faudra attendre le 29 avril 2020 pour que le biopic arrive en France.

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