Affiche sorties de films mercredi 22 décembre 2021
Warner Bros Ent. France/ Universal Pictures International/ UFO Distribution- Panama Distribution

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
MATRIX RESURECTIONS ★★★★☆

De Lana Wachowski

L’essentiel

A l’ère des reboots vides de sens, Lana Wachowski se réapproprie son œuvre majeure avec un quatrième Matrix, et en fait un véritable manifeste d’une richesse dingue.

Si vous avez adoré les premiers Matrix pour son art surexcitant de la synthèse SF/action, son mélange débridé de visions cyberpunk et de gun-fu, soyez prévenus : Matrix Resurrections va vous décevoir. Beaucoup. Et c’est même fait exprès. Par contre, Matrix Resurrections va faire pour vous le plus beau, le plus gros, le plus inespéré doigt d’honneur à l’industrie du blockbuster. On s’attendait à du bullet time, du kung-fu, des ralentis, des flingues, des idées de SF parfois dingo, des citations de Lewis Carroll, des miroirs, Matrix Resurrections vous fournit tout ça… mais avec une mauvaise grâce toute particulière, puisque le film va littéralement prendre en compte l’idée de reboot de Matrix, et la montrer du doigt pour ce qu’elle est. Une idée excitante, certes, mais complètement opportuniste et mercantile. 

Matrix Resurrections s’affirme ainsi comme l’anti-MCU, à la fois industriellement, techniquement et narrativement pour mettre l’accent sur une vraie histoire d’amour solaire entre Néo (Reeves, très décontracté) et Trinity (Carrie-Anne Moss donne à Trinity nouvelle version une présence d’une simplicité incroyable) – qui offre le plus beau moment du film, sans bullet time ni kung fu, lors d’un instant lumineux, entre ciel et terre, inédit dans la franchise. Le sommet d’un blockbuster de pirate, pensé et agissant comme un bug, provoquant finalement le plus beau mindfuck industriel de l’année.

Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

MADELEINE COLLINS ★★★★☆

De Antoine Barraud

Antoine Barraud aime distiller du fantastique dans l’apparente banalité du quotidien, avec le goût du jeu de pistes cérébral et le talent pour le mener à son terme. Madeleine Collins emprunte le même chemin que ses Les Gouffres et Le Dos rouge mais Barraud y franchit un nouveau cap en signant son film le plus grand public, sans pour autant lui pré- mâcher les choses. Son intrigue se construit tel un puzzle pour tenter de saisir ce qui se passe dans la tête de son héroïne dont on va comprendre qu’elle mène une double vie amoureuse. Entre Abdel avec qui elle élève sa petite fille et Melvil, avec qui elle a eu deux garçons. Avant que peu à peu le piège se referme sur elle et que la poursuite de ses mensonges doive passer par une fuite en avant. Barraud n’aborde jamais son sujet sur le terrain de la morale mais nous le fait vivre dans la tête de cette femme qui a elle tout parfaitement compartimenté en épousant sa folie dont on ne sait jamais si elle est douce ou manipulatrice. Ce personnage border line tout en intériorité nécessitait une actrice toute en nuances et puissance tranquille. Virginie Efira s’y montre magistralement fascinante.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A AIME

LA CROISADE ★★★☆☆

De Louis Garrel

Sur les conseils avisés de son ami Jean- Claude Carrière (pour son ultime scénario), Louis Garrel a commencé à imaginer ce film avant l’arrivée de l’arrivée fracassante de Greta Thunberg sur la scène médiatique, et signe la première fiction autour de cette jeunesse qui se bouge pour l’environnement. On y retrouve le trio de L’homme fidèle : le couple formé par Abel et Marianne (qu’il incarne avec Laetitia Casta, une fois encore épatante) et le fils de de cette dernière, Joseph (Joseph Engel, toujours aussi génial). Et l’ouverture du film donne le ton, ludique, de ce qui va suivre. Abel et Marianne y découvrent que Joseph a vendu en douce quelques- uns de leurs objets les plus précieux et investi l’argent récolté dans un projet élaboré avec des centaines d’enfants de son âge pour sauver la planète. Le comique de situation permet à Garrel de trouver d’emblée la bonne distance pour embrasser un sujet a priori anxiogène et se placer à hauteur d’enfance avec ce mélange de fraîcheur, d’innocence et de certitude qu’ils peuvent change le monde qui les entoure. Tout à la fois léger et profond, ce bonbon acidulé se déguste sans modération.

Thierry Cheze

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MY KID ★★★☆☆

De Nir Bergman

Après plusieurs longs métrages restés inédits, My kid marque le retour dans les salles françaises du co- créateur de la série BeTipul (décliné en France avec En thérapie), neuf après La Grammaire intérieure. Le cinéaste israélien raconte ici une relation fusionnelle - entre un père divorcé et Uri, son fils autiste de 20 ans - bousculée par le choix de sa mère de le placer dans une institution spécialisée. Sauf que le fils en question refuse de s’y rendre et que le père lui promet d’accéder à sa demande, les transformant en fugitifs. My kid prend alors la forme d’un road movie où Bergman déjoue les pièges du sentimentalisme facile en distillant du burlesque, sous influence revendiquée du Kid de Chaplin (le film qu’Uri regarde en boucle) pour un sujet finalement similaire : un duo en rupture avec ce que la société attend d’eux. Un petit bijou de sensibilité.

Thierry Cheze

COPYRIGHT VAN GOGH ★★★☆☆

De Yu Haibo et Yu Tianqi Kiki 

Le quartier de Dafen, situé dans la ville chinoise de Shenzhen, s’est spécialisé dans la reproduction d’oeuvres des plus grands peintres, afin de les exporter dans les boutiques de souvenirs du monde entier. Xiayong Zhao est un surdoué, capable d’imiter avec une exactitude troublante les coups de pinceau de Vincent van Gogh. Dans l’atelier familial, lui et ses proches reproduisent à la chaîne les oeuvres du peintre, sans jamais avoir posé les yeux sur ses originaux. Une histoire dingue entre la Chine paysanne, dans laquelle Zhao a grandi, et le musée Van Gogh d’Amsterdam qu’il rêve de visiter. On croyait regarder un documentaire sur le business de la copie, il s’agira en fait d’assister à l’épiphanie d’un plagiaire génial qui se découvre une âme d’artiste. De l’émotion sans contrefaçon.

François Léger

WHITE BUILDING ★★★☆☆

De Kavich Neang 

Co- produit par Davy Chou et Jia Zhangke, ce premier long métrage est né sous de belles étoiles. Et le premier talent de son réalisateur, le cambodgien Neang Kavich, tient dans sa manière d’assumer pleinement ses références (Apichatpong Weerasethakul en tête) sans que jamais elles n’écrasent son film. Il met ici en scène un sujet qu’il connaît pour l’avoir vécu de l’intérieur et y avoir déjà consacré un documentaire (Last time I saw you smiling) : la démolition en 2017 d’un immeuble iconique de Phnom Penh – le White building - et ses dommages collatéraux pour ses habitants (majoritairement des artistes aux revenus modestes, qui l’ont récupéré aux khmers rouges qui l’avaient investi), à commencer par Sle jeune homme qu’il a choisi pour héros. Kavich raconte la gentrification par un jeu réussi entre fiction et documentaire où on finit par ne plus savoir ce qui est joué ou saisi sur le vif et une vraie et touchante mélancolie.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

TOUS EN SCENE 2 ★★☆☆☆

De Garth Jennings

On a été nombreux à avoir succombé en 2017 aux aventures de Buster Moon, le koala qui redonnait une seconde vie à son théâtre en y organisant une compétition de chant. Un bijou de cinéma d’animation jouant à merveille avec différents styles musicaux et un sens sûr du comique de situation. On attendait donc avec gourmandise sa suite où Moon et ses amis entreprennent cette fois- ci de mettre en scène un spectacle dans un théâtre encore plus grand en ambitionnant de faire remonter sur scène une ex- rock star reclus. Pour cette suite, Jennings a lui aussi eu envie de voir les choses en grand. Le résultat n’est pas désagréable mais le réalisateur du bien secoué Guide du voyageur intergalactique rentre trop dans le rang. Ici la quantité (la BO vire au juke box musical épuisant), prime sur la qualité (une animation sans aspérité). Tous en scène 2 surfe la même vague au lieu d’explorer de nouveaux océans.  

Thierry Cheze

MINCE ALORS 2 ! ★★☆☆☆

De Charlotte de Turckheim

Neuf ans après avoir réuni plus d’1,4 millions de spectateurs, Charlotte de Turckheim signe une suite à son Mince alors !. L’action se déroule cette fois- ci au cœur de la Provence où Nina (Lola Dewaere, nommée au César de la révélation à l’époque et toujours excellente) et sa tante Isabelle (Charlotte de Turckheim, dans un rôle différent de celui du premier volet) ont ouvert une cure « jeûne et détox » qui tente de prendre son envol. A travers les curistes qui s’y retrouvent – volontairement ou à leur corps défendant – Charlotte de Turckheim poursuit sa variation autour du surpoids et plus largement des diktats physiques imposées aux femmes comme aux hommes dans nos sociétés occidentales, avec le même mélange d’humour, de cruauté et de tendresse. L’intention est louable, la sincérité totale mais ce deuxième opus n’apporte rien de suffisamment neuf côté scénario par rapport au premier pour se détacher d’une mécanique qui laisse peu de place aux surprises.

Thierry Cheze

MICA ★★☆☆☆

De Ismaël Ferroukhi

Voilà déjà dix ans (et Les Hommes libres avec Tahar Rahim) qu’on était sans nouvelles d’Ismaël Ferroukhi. Le cinéaste signe son retour avec une histoire située dans son pays natal, le Maroc. Celle d’un gamin des bidonvilles de Casablanca dont une ex- championne de tennis découvre le talent inné à manier la petite balle jaune dans le club où il travaille comme homme à tout faire et qui va alors tout tenter pour changer son destin. Le sujet est noble, l’interprétation (Zakaria Inan pour ses débuts à l’écran et Sabrina Ouazani) impeccable. Mais le film a un peu trop tendance à enfoncer des portes ouvertes, à enfermer ses personnages dans des archétypes, tout à son obsession de faire passer un message. Et sur le traitement de l’enfance en souffrance, la comparaison avec l’emballant Les Enfants du soleil (voir p 102) apparaît clairement en sa défaveur.

Thierry Cheze

THE CLOUD IN HER ROOM ★★☆☆☆

De Zheng Lu Xinuyan

Zheng Lu Xinyuan est une cinéaste chinoise ayant étudié le cinéma à Los Angeles. Ce premier long-métrage arrive précédé d’une jolie réputation liée à ses courts métrages. The Cloud in Her Room est l’histoire d’un impossible retour, celui d’une jeune fille dans sa ville natale, Hangzhou au Sud de Shanghai. Muzi, c’est son nom, réinvestit l’appartement familial vidé de ses occupants éparpillés dans des vies désormais séparées. Elle n’est plus certaine de reconnaître les lieux ni les choses qui l’entoure. Son esprit, comme le récit, vagabonde dans une sorte de transe arty en noir et blanc.  On aimerait que ces pérégrinations nous envoûtent et procurent une sorte de vertige mais tout semble figé, posé là comme des objets sans âme. Dommage car certaines séquences ne sont pas dénuées de grâce.

Thomas Baurez

C’EST TOI QUE J’ATTENDAIS ★★☆☆☆

De Stéphanie Pillonca

Après un détour par la fiction (Fleur de Tonnerre, 2017), Stéphanie Pillonca retourne au documentaire avec ce film consacré au désir d’enfant contrarié : celui qu’on n’arrive pas à avoir ou celui qu’on a abandonné malgré soi. La réalisatrice fait d’un côté le portrait d’adoptants, de l’autre d’une mère qui regrette d’avoir accouché sous X ou d’un adulte adopté à la recherche de sa mère biologique. Le propos n’est pas très clair et, d’ailleurs, très vite, Pillonca le recentre sur cette mère (anglaise) qui enquête sur son fils (né en France) et sur ce quadragénaire qui n’arrive pas, malgré une famille adoptive aimante et ses propres enfants, à surmonter un cruel manque affectif. Leurs quêtes croisées sont bouleversantes et auraient sans doute mérité un traitement encore plus développé. 

Christophe Narbonne

 

Et aussi

L’Odyssée antarctique, de Djamel Tahi

Les reprises

Le Journal d’Anne Frank, de George Stevens

Le Lit conjugal, de Marco Ferreri