Comment je suis devenu un super-héros : Pio Marmai
Netflix

Comédien surdoué, bosseur impénitent, Pio Marmaï est surtout un acteur libre qui mène sa carrière en roue arrière et s’apprête à connaître une deuxième vague de notoriété. À l’affiche de Comment je suis devenu superhéros, il fait le point avec nous sur son actu chargée.

PREMIÈRE : Comment ça va Pio ?

PIO MARMAÏ : Ça va pas mal. Non, ça va super. Je suis très heureux, très très heureux. La reprise, la réouverture des cinémas, la vie en général... Quand on est heureux faut le dire, non ? Alors, par où on commence ?

Je voulais faire le point, parce qu’on s’y perd un peu là...

Si je peux t’aider, dis-moi.

Vous serez dans le Catherine Corsini (La Fracture) qui va à Cannes, vous venez de finir le nouveau film
de Thierry de Peretti (l’adaptation de Trafics d’État d’Emmanuel Fansten) qui pourrait y aller également...

Rhooo... Je l’avais oublié celui-là.

Vous sortez tout juste du succès d’En thérapie, vous commencez Les Trois Mousquetaires, et on vient vous parler d’un film fini il y a...

Pfff... un an et demi. Non deux ans. C’est fou. La temporalité a complètement explosé. Il faut arrêter de penser comme avant. Ça part dans tous les sens et c’est vrai qu’on est un peu paumé.

Ce n’est pas compliqué pour faire la promo ?

Non, parce que j’ai envie que ça reste simple. Le souvenir que je garde de Comment je suis devenu superhéros est très clair et je peux m’y rattacher facilement. Entre la première version du scénario que j’ai lue il y a quatre ans, la production du film, la sortie décalée, l’épidémie de Covid... ce fut une expérience longue et tortueuse. Mais quand je t’en parle, là, ce qui me revient immédiatement à l’esprit, c’est l’impression initiale. L’ambition, l’énergie et l’audace de Douglas [Attal] qui venait proposer une lecture très singulière du film de superhéros. J’ai tout de suite aimé le souffle et l’ébullition du groupe. Et puis, si la Covid a tout brouillé, moi je fais les choses les unes après les autres. Il n’y a pas de plan de carrière. Du film de Thierry de Peretti aux Mousquetaires, c’est sûr qu’il s’agit d’un sacré grand écart.

Et un bon résumé de votre carrière, qui explore tous les genres et part quand même dans tous les sens.

Hum. Dis comme ça, c’est positif pour toi ?

Eh bien je vous retourne la question...

Je ne sais pas. (Il réfléchit.) Mais là, je suis à un moment où l’on m’offre la possibilité de tout faire. Et ça m’excite à mort. Ne pas rester sur les acquis, changer de perspectives, être toujours sur la brèche... Ne pas travailler, moi, ça m’épuise. J’ai besoin du mouvement pour exister. Et, honnêtement, depuis quelques années je travaille avec des réalisateurs qui ont chacun un univers propre, un sens de l’écriture et de la dramaturgie exceptionnel. J’ai toujours pensé qu’un acteur n’était qu’un exécutant, et j’ai une confiance absolue dans les réalisateurs avec lesquels je collabore. Ils m’embarquent dans des voyages qui ne sont pas toujours forcément géniaux, mais qui proposent une dynamique particulière et qui me nourrissent d’une énergie et d’une sorte de feu puissant. Quand les projets sont bons, quand il y a une évidence dans l’écriture, quand il y a une rencontre, tu ne te poses pas la question de la cohérence, de la légitimité ni même du résultat. Tu fonces.

Même quand c’est, a priori, casse gueule ou risqué comme le film de Douglas Attal, un premier long sur des superhéros français ?

Évidemment ! Pareil avec En thérapie : qui aurait cru que ce serait un tel succès ? On parle quand même de 35 heures de programmes où des gens sont face à face sur un canapé. Tu me diras qu’il y avait la série israélienne, et que les noms de Toledano et Nakache devaient rassurer. Mais je te jure que, d’un point de vue rationnel et objectif, c’était un coup de poker. Ce qui m’a plu tout de suite, c’est la traversée de la langue, le dispositif... J’avais envie d’explorer ça, de tester une autre manière de travailler. Sachant que quelques mois avant, j’étais sur le tournage de Comment je suis devenu superhéros : je volais accroché à des câbles, je me prenais des lasers dans la tronche, et Swann Arlaud me tirait dessus dans un couloir. C’est vrai, ça semble partir dans tous les sens comme tu dis, mais ce qui unit ce que je fais, c’est que je tente d’être au plus juste, au plus près de la vérité des personnages.

Comment je suis devenu super-héros sur Netflix : un geste ambitieux mais inabouti [critique]

C’était précisément le cœur du projet d’En thérapie. On vous connaît dans un registre bondissant, et tout à coup, vous passez des heures assis sur un fauteuil dans l’introspection.

Et j’ai retrouvé des sensations éprouvées quand je jouais au théâtre. Comme dans le Peretti, il y avait une quantité de texte à apprendre et à ressortir dans un cadre très contraignant. Dans la série comme dans ce film, il y avait un rapport quasi liturgique au verbe, doublé, dans le Peretti, d’une ryth- mique de tournage étrange. Pas d’action, pas de « Moteur ! », que des plans séquences. Je devais bosser des textes très longs pendant des mois... C’est vrai que ça allait à l’en- contre de ce que j’ai fait pendant longtemps et je comprends qu’on me parle de bascule. Mais ça date de quelques années déjà ; on me fait désormais confiance pour des expériences de cinéma plus singulières, avec ce que j’appelle plus « d’épaisseur de langue ».

Cette bascule date de quand ?

D’En liberté je pense. Pierre [Salvadori] m’a offert un rôle très complexe avec une écriture très soutenue. Il y avait un sens du langage très émouvant mais pas facile à développer en tant qu’acteur. En voyant le film, les gens se sont dit que j’étais capable de travailler dans ces directions-là, avec cette précision. C’est vraiment depuis ce film que j’ai accès à d’autres types de rôles, que j’explore d’autres univers et que je croise la route d’artistes différents.

L’un des charmes du film d’Attal, c’est justement le duo que vous formez avec Vimala Pons. Une idée géniale, parce qu’au-delà du fait qu’on est tous amoureux de Vimala Pons et de Pio Marmaï, vos univers se marient à merveille.

On se connaissait avec Vimala. On n’avait pas travaillé ensemble, mais j’avais vu ses spectacles. Je crois qu’il y a un terrain d’étrangeté qui nous est propre. Ses propo- sitions théâtrales avec sa compagnie de cir- cassiens sont très drôles. Son univers a une identité poétique particulière. Et moi, j’ai une vie personnelle un peu hors des clous avec mon garage et mes autres passions. On a tous les deux fait une école de théâtre, on partage une même sensibilité à l’écriture et au travail collectif. Tout cela faisait qu’un truc électrique s’est passé entre nous. Et puis on n’a pas l’habitude de participer à des gros films comme celui-là. Quand les gens qui viennent du cinéma d’auteur débarquent sur des projets plus importants, ils y vont à fond les manettes. On s’est vraiment amusés, c’était hyper excitant ; cette idée de la dystopie et des superpouvoirs...

C’est marrant, je ne vous imagine ni l’un ni l’autre fans de superhéros...

J’aime bien les Batman de Burton. Leur côté excessif, les couleurs, le pop : ça me touchait enfant. Et puis, moi, j’adore les explosions au cinéma. Les bazookas surtout. J’ai grandi à l’Opéra dans un univers très spectaculaire. J’aime autant le cinéma des Dardenne que les grosses productions pyrotechniques. Et ce qui m’a plu sur Comment je suis devenu... c’est que beaucoup d’effets étaient réalisés sur le plateau avec des câbles, des machines. Il y avait un aspect théâtral qui me correspond bien, un peu roots...

Finalement, ce serait quoi votre analyse de ce que vous incarnez dans le cinéma français ?

Je dois dégager un truc... un peu... disons qu’on a toujours l’impression que je vais faire une connerie. Un truc insaisissable dans l’attitude peut-être. (Il se marre.) Le mec qui se la raconte : « Je me considère comme insaisissable. » Tu peux le mettre en accroche, ça marche bien pour un papier, très vendeur. (Il redevient sérieux.) Insolent, on pourrait dire, mais je suis TOUJOURS au service de ce qu’on me demande de faire. Et puis autre chose qui me définit en tant qu’acteur : pour moi, le plus important, ce qui fait une séquence ou un film, c’est la combinaison avec mes partenaires. Je suis très à cheval là-dessus. J’essaie d’être un bon partenaire pour les autres. Pour le reste : pourquoi viennent-ils me chercher ? Qu’est-ce que j’incarne ? Je suis un peu costaud, un peu drôle et... pas chiant. Voilà : je suis drôle et pas chiant. Allez, envoyez les films !

 

COMMENT JE SUIS DEVENU SUPERHÉROS De Douglas Attal • Avec Pio Marmaï, Vimala Pons, Benoît Poelvoorde... • Durée 1h37 • Sur Netflix le 9 juillet