Steven Soderbergh : « J'avais envie de finir sur un film rigoureux et dégraissé »
ARP Sélection

Un thriller avec Rooney Mara, Jude Law, Catherine Zeta-Jones et Channing Tatum, à revoir ce soir sur Arte.

Mise à jour du 20 octobre 2021 : A l'occasion de la rediffusion d'Effets secondaires, nous repartageons ci-dessous notre interview du réalisateur Steven Soderbergh, ainsi qu'un lien vers la critique de Première. Un peu de contexte, avant de la (re)lire : il y a huit ans, le cinéaste assurait qu'il comptait prendre sa retraite de réalisateur, mais il a depuis travaillé sur deux nombreux projets, aussi bien pour le cinéma (Logan Lucky, Paranoïa, The Landromat, etc.), que la télévision (les séries The Knick, The Girlfriend Experience, Godless...)

Effets secondaires, de Steven Soderbergh : Rooney Mara et à Jude Law sont brillants de bout en bout [critique]

Interview du 3 avril 2013 : Pendant 25 ans, Steven Soderbergh fut le réalisateur le plus prolifique du cinéma indépendant. Mais ça, c'est fini. Ou presque. Soderbergh prend sa retraite et Effets secondaires sera son dernier film cinéma. Un thriller racé (filtre, géométrie des plans et glaciation formelle), séduisant (de Jude Law à Rooney Mara en passant par Catherine Zeta-Jones, les acteurs sont tous extraordinaires) et manipulateur (on passe d'un réquisitoire contre les géants pharmaceutiques à un thriller psychologique). Présenté comme ça, Effets secondaires ressemble finalement à une synthèse des obsessions du cinéaste, comme s'il avait voulu compiler sa filmo en un dernier tour de piste. Rencontre avec un cinéaste qui a décidé de rendre les armes pour se consacrer à autre chose qu'au cinéma. 

Première : C’est impossible de regarder Effets secondaires sans remarquer que vous y compilez quelques uns de vos thèmes fétiches. Votre obsession pour la psychiatrie qui renvoie à vos premiers films, les forces économiques et le marché - que vous abordez depuis quelques années - et à la fin, la fascination pour les performers et les arnaqueurs…
Steven Soderbergh : C’est vrai que ça ressemble presque à un pot-pourri (rires). Je ne me suis pas privé de parler de thèmes qui m’intéressent ! L’argent est un thème qui m’intéresse parce que c’est un sujet qui permet de faire tomber toutes les barrières ! Tout le monde doit – à un moment ou à un autre, personnellement ou professionnellement – s’y confronter. Ce qui m’intéressait dans Effets secondaires, c’était le fait que je pouvais traiter le thème aux deux bouts de la chaine : Rooney Mara doit gérer son quotidien avec son mari qui sort de prison et veut repartir à zéro mais elle a besoin d’argent. A l'autre extrémité, les entreprises font des profits énormes et manipulent les médecins pour faire des tests de médicaments... Scott [Burns] a réussi un incroyable travail en captant l'ère du temps qu'il a transformé en cheval de Troie pour cacher un autre film... Ce qui me fascinait c’était que son script changeait progressivement de forme. La clé du coup, c’était  d’unifier tout ça esthétiquement.

Comment ?
En me fixant des règles très précises. Quelles types de lentilles utiliser ? Quel mouvement de caméra je m’autorise ?... Ca me permet de définir l'univers esthétique de mes films. Et puis surtout à optimiser mes process pour être plus performant et résoudre vite les problèmes posés sur le tournage. Aujourd’hui, je peux faire des choses que je ne pouvais pas faire il y a 15 ans ! L’expérience me permet de voir les solutions et les alternatives plus vite. C’est comme un filtre ! Quand tu commences un film, il y a des millions de films possibles et tu dois les réduire pour faire le tien. David Fincher a une super phrase : « Il y a des centaines de façons de faire les choses, mais à la fin de la journée, il n’y en a que deux et l’une des deux est fausse ! ». Mon équipe fidèle et le digital m'ont permis de faire énormément de progrès, d'exprimer mes idées plus vite, et d'être plus souple. Sur mes trois premiers films, je ne commençais le montage qu'après avoir terminé le tournage. Aujourd'hui, je monte les scènes tournées dans la journée la nuit même. Ca me permet de corriger le lendemain ou de faire immédiatement mes reshoots...

J’ai l’impression au fond que ce que vous aimez dans le cinéma, c’est la vitesse et l'exécution. Ne surtout pas se retourner. Ni sur vos films ni sur votre carrière.
Je ne sais pas... Je n'aime pas trop réfléchir à ça.

Ce qui me donnerait presque raison.
Peut-être (rires). Je crois que c’est Whistler qui disait : « Ca demande beaucoup de travail d’effacer toute trace de travail ». C’était mon approche sur ce film. Aller à l’essentiel. Eliminer le superflu. Je regardais une scène et je me disais : « OK, de combien de plan ai-je besoin ?  Et au minimum ? ». Si c’était deux, alors j'en faisais deux. Je voulais que le film soit très stylisé mais en même temps, qu’il n'y ait pas un plan de trop. Scott et moi avons relu le script ligne par ligne en se demandant si telle phrase avait du sens ou si tel plan était vraiment nécessaire… Je ne voulais que du muscle. Pas de gras. Et j'avais envie de finir là-dessus, sur un film rigoureux et dégraissé.

Voici la bande-annonce d'Effets secondaires :


Steven Soderbergh revient sur son discours alcoolisé des Oscars 2001 pour Traffic