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Elle a triomphé aux Golden Globes. Prochaine étape les Oscars ?

Mis à jour du 24/01/2017 : Isabelle Huppert a été nommée à l'Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans Elle. L'actrice française devra faire face à une sérieuse concurrence (Ruth Negga, Emma Stone, Natalie Portman, Meryl Streep) lors des 89e Academy Awards qui se tiendront le 26 février.

 

Article du 10/01/2017 : Malgré la concurrence de Natalie Portman (Jackie) et Amy Adams (Premier Contact), sans oublier dans une moindre mesure Jessica Chastain (Miss Sloane) et Ruth Negga (Loving), c’est bien Isabelle Huppert qui a reçu le Golden Globe de la meilleure actrice dans un film dramatique des mains de Leonardo DiCaprio. Seule une actrice française avait eu ce privilège depuis 1951 : Anouk Aimée pour Un homme et une femme de Claude Lelouch (1966).

 

Les critiques US dans la poche

La double victoire de Elle (qui a décroché le Golden Globe du meilleur film étranger) et d’Isabelle Huppert est pourtant tous sauf une surprise. On pourrait même dire qu’elle était programmée. Depuis la présentation du long-métrage à Cannes, où il était en compétition, la critique américaine a été conquise par la performance de Zaza (pour les intimes). La "saison des Oscars", qui démarrait en novembre, n’a fait que confirmer ce constat.

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En quelques mois, Huppert a remporté 18 prix de la meilleure actrice aux Etats-Unis ! Des trophées parfois mineurs ou anecdotiques, mais qui servent d’indicateurs très fiables dans la course aux récompenses majeures que ce sont les Golden Globes et les Oscars. La comédienne a notamment fait un carton plein dans les prix organisés par les critiques de cinéma nord-américains : Boston, Los Angeles, New-York, San Francisco, St Louis, Vancouver, Toronto… tous ont succombé au charme froid de la française.

 

#TeamZaza

Les défenseurs les plus virulents d’Isabelle Huppert sont les journalistes d’IndieWire, qui spamment littéralement leurs lecteurs avec Elle et la prestation de l’actrice. Ils n’ont pas digéré que le film de Verhoeven soit écarté des nominations à l’Oscar du meilleur film étranger, et ont annoncé via la page Facebook du site qu’ils provoqueraient une "émeute si elle n’était pas nommée à l’Oscar de la meilleure actrice" en février prochain. Suite à la victoire de la Française aux Golden Globes, le journaliste David Ehrlich n’a d’ailleurs pas caché sa joie sur Twitter :

Mais Elle ne s’est pas contenté de séduire les critiques pointus amateurs de cinéma européen. Les 87% d’opinions positives affichés sur Rotten Tomatoes révèlent un certain consensus. A défaut de faire l’unanimité – ce qui aurait été étonnant vu l’aspect dérangeant du film -, le long-métrage de Verhoeven a fait mouche, notamment grâce à "la performance exceptionnelle d’Isabelle Huppert", note l’agrégateur.

 

Quand Elle devait se tourner aux Etats-Unis

Ironie du sort, Verhoeven prévoyait au départ de tourner Elle en langue anglaise, à Boston ou Chicago. Avant de renoncer en raison de la violence et de l’immoralité du film. Comme il le déclara au Guardian, réaliser Elle aux Etats-Unis l’aurait amené "dans la direction de Basic Instinct, mais de nombreux éléments qui sont importants dans le film aurait probablement été atténués".

Il envisagea également toute une liste d’actrices pour incarner Michèle Leblanc (Nicole Kidman, Charlize Theron, Julianne Moore, Sharon Stone, Marion Cotillard, Diane Lane, Carice van Houten), mais de l’aveu même du réalisateur la seule comédienne américaine prête à relever le défi était Jennifer Jason Leigh (qu’il avait dirigé dans La Chair et le Sang, en 1985). "C’est une de mes actrices préférées", nous confiait justement Huppert, en 2016 à Cannes. "Ce n’est peut-être pas à moi de le dire, mais je la vois comme une version américaine de moi-même."

Isabelle Huppert : "Il y a toujours des choses un peu dures à avaler chez Verhoeven"

La vision de Djian

Verhoeven a donc fini par faire le film en France, et le choix d’Isabelle Huppert s’est imposé. Ce qui correspond à la vision de Philippe Djian, l’auteur de Oh…, le livre dont est adapté Elle : "Jusqu’aux deux tiers du roman, je n’avais même qu’une vague idée de mon personnage", déclarait-il à Bande à part en mai dernier. "Ce qui est incroyable, c’est que j’ai vu apparaître Isabelle Huppert quand j’écrivais. J’imaginais ce genre de femme, avec la même fragilité et la même densité. Je n’imaginais pas une actrice qui vampiriserait le personnage du livre, comme l’avait fait Béatrice Dalle avec 37°2 le matin."

Ca tombe bien, l’actrice avait aussi adopté le roman : "J’ai lu le livre très tôt et je me suis dit 'tiens, ça a l’air sympa à faire'. Enfin, sympa… J’ai rencontré Philippe Djian, puis Saïd Ben Saïd, et Saïd a eu l’idée géniale de proposer le film à Paul, qui a eu l’idée géniale de l’accepter…"

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De Ella à Elle

Finalement, l’étiquette française de Elle compte certainement beaucoup dans le succès du film aux Etats-Unis. Nos voisins auraient-ils autant apprécié cette histoire dérangeante si elle avait été portée par une figure d’Hollywood ? Sans l’ambiance bourgeoise, dépeinte avec l’inégalable ironie Verhoevienne (qui échappe parfois au public américain), sans la vision fantasmatique de la femme française si libérée sexuellement qu’elle peut prendre du plaisir en étant violée, la polémique sur le propos (supposément) misogyne de Elle n’aurait-elle pas noyé la qualité du film ? On est tenté de le penser.

37 ans après l’échec commercial des Portes du Paradis de Michael Cimino, où elle incarnait une certaine… Ella (avec déjà une scène de viol marquante), Isabelle Huppert conquiert enfin l’Amérique. Et finalement c’est tout ce qui importe. Cette belle revanche, déjà couronnée par un Golden Globe, se poursuivra-t-elle jusqu’aux Oscars ? Huppert a de très bonnes chances de faire partie des nommés, qui seront annoncés le 24 janvier, mais, contrairement aux Golden Globes, elle devra faire face à la rude concurrence d’Emma Stone, grande favorite pour son rôle dans le rouleau compresseur La La Land