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Avant de vous engager un peu plus dans la lecture, autant vous prévenir : ce texte contient de nombreux spoilers sur la première demi-heure de Star Trek Into Darkness. Si vous voulez préserver un maximum de surprises, passez votre chemin !« Aux USA, il y a deux catégories de personnes : ceux qui aiment Star Trek et ceux qui pensent que ceux qui aiment Star Trek sont des fous. Je faisais partie de la deuxième catégorie. » Ainsi parlait Bryan Burke, le producteur de Star Trek Into Darkness, qui venait présenter 30 minutes du film en avant-première à la presse française (le film sort le 12 juin chez nous). Verdict ? Ces trente premières minutes confirment que tout ce que touche le réalisateur J.J. Abrams se transforme en or. Explosives, denses, ces trente minutes de Star Trek Into Darkess sont presque plus excitantes qu’une saison entière de Lost. Comme le disait Burke, cofondateur de Bad Robot, le film sera spectaculaire et mainstream. Au vu des trois bandes-annonces du film déjà diffusées, on s’en doutait un peu -mais que nous ont appris ces 30 minutes de STID ? Tentative de décryptage.Volcans, indigènes et hyperespace"Quand on a planché sur l’idée d’un deuxième épisode, on s’est tout de suite dit qu’on voulait plus de drame, plus d’action. Il fallait que ce soit plus gros !"explique un Burke enthousiaste. "C’est la raison pour laquelle on a mis le paquet sur l’IMAX. Et puis, logiquement, la question de la 3D est arrivée. On n’aime pas beaucoup le relief chez Bad Robot. Mais d’une certaine manière, Star Trek le réclamait. Les combats dans l’espace, le scope du voyage… on devait y aller, mais avec quelque chose de spécial. Quelque chose de vraiment spectaculaire." C’est le cas dès les premiers plans dévoilés du film : deux hommes sont poursuivis par une troupe de sauvages aux visages de craie. Kirk (Chris Pine) et McCoy (Karl Urban) cherchent à fuir le courroux des indigènes tout en les attirant loin de leur cité (on comprendra plus tard qu'ils les entraînent à l'abri d'un volcan). Par son rythme affolant, la séquence rappelle l'ouverture du premier Star Trek et démontre une fois de plus le talent d’Abrams pour les scènes d'intro in media res musclées. Alors que Kirk détourne l'attention des sauvages, au même moment, Spock tente d’empêcher le volcan d'entrer en éruption et plonge au coeur du cratère. Problème : le filin qui le retenait à un vaisseau se casse et le Vulcain se retrouve seul au milieu de la lave en fusion. Après avoir réintégré le vaisseau, Kirk doit alors résoudre un dilemme moral  : sauver Spock en violant la Première Directive (l'Enterprise ne doit jamais exposer les peuplades à la technologie et influer sur leur destin) ou sacrifier son second, puisque comme le rappelle ce dernier, "l'intérêt du nombre prime sur l'intérêt de quelques-uns". L’Enterprise sort de l’eau, sauve Spock et la scène se finit sur une très belle idée de cinéma : les indigènes fascinés dessinent sur le sable un Enterprise, dessin qui se fond sur l’image du vaisseau dans le ciel étoilé… Un plan qui laisse entendre que - comme dans la série - L'Enterprise sera un héros à part de ce film.Chute libreDe l’action démente, des visions folles de space opera, un sens de l’épique furieux ? Sérieux ? Sérieux. Entre l’ouverture, une scène de combat où le bad guy tente de tuer les dirigeants de la Starfleet dans leur QG depuis une navette surarmée, c’est précisément ce que promettent ces 30 premières minutes de film. Et ceux qui en doutent devraient en avoir pour leur argent avec l’autre (immense) séquence dévoilée à la fin de la projection : le crash du vaisseau sur San Francisco. Alors que l’Enterprise est en chute libre et part en vrille au-dessus de la terre, Abrams orchestre une extraordinaire scène de panique à l’intérieur du navire. L’équipage, conduit par Spock, tente de redresser l’Enterprise, pendant que Kirk et Scotty (Simon Pegg) parcourent les coursives en tournant dans tous les sens. Une scène quasi looney tunes dans laquelle le navire sens dessus dessous et en rotation constante, ressemble à une attraction de fête foraine… Extraordinaire, palpitante, cette séquence montre -comme la scène de Nibiru- comment Abrams réussit habilement le mélange entre drame humain (l’équipage en danger) et show monstrueux (la gestion des échelles, les plans d’espace, le montage nerveux et les idées de pure mise en scène). Mais le plus dingue reste à venir : l’Enterprise s’abime sur Terre, sur Alcatraz (accessoirement, le nom d’une série de Abrams qui s’écrasa contre le mur de l’audience) et vient s’échouer sur les docks de San Francisco… En IMAX, la scène est d’une ampleur folle. Avec cette incroyable scène de crash, en quelques minutes, Abrams enterrait les meilleures séquences de son premier opus. Et la scène enchaînait directement avec Spock qui part à la poursuite d’Harrison (Cumberbatch) à travers la ville, d’abord dans les rues puis sur des containers aériens -une scène tout aussi folle que les autres, qui commence à l’horizontale avant de s’envoler à la verticale, et de s’achever sur Spock qui saute littéralement dans le vide. Cut.Un film mainstream (sans alien)Encore Burke : "Star Trek c’est un monde où tout va bien. Il n’y a pas de guerre, pas de conflits, ce n’est pas de la SF avec des aliens et des robots. C’est l’histoire d’un groupe qui aide et veut protéger des populations en danger". STID lorgne donc moins vers Star Wars et E.E. Smith que vers Jules Verne et Arthur C. Clarke. De ce qu’on a vu, Abrams et son producteur ont visiblement pris le parti de revenir à une SF ouverte - qui ne s’adresse pas aux seuls geeks - et surtout, une SF humaine. "Cela parle de nous, et de notre futur", confirmait le co-producteur. Principale conséquence, le bad guy semble être un type comme vous et moi, humain. Une bonne nouvelle puisque, le gros problème du premier film était Eric Bana et son look de Romulan improbable ; ici, le mal vient de l'intérieur (ce n’est pas pour rien que le film a le titre conradien de Into Darkness). On découvre en effet très tôt que Benedict Cumberbatch incarne un ancien de la Starfleet qui se tourne contre ses anciens maîtres. Ses motivations restent à ce stade inconnues, on ne sait toujours pas s’il n’a vraiment rien à voir avec Khan - le tyran génétiquement modifié qui apparaissait sous les traits de Ricardo Montalban dans un épisode de 67 - mais Harrison est un méchant rationnel qui mène visiblement une vengeance personnelle et qui n’a peur de rien. Autre certitude : dans la scène de course-poursuite entre Quinto et Cumberbatch à San Francisco, ce dernier possède une dimension charismatique impressionnante qui montre la puissance de jeu/feu du comédien et surtout son aura de folie. Déjà culte.Love story en apesanteurC’est un des gros changements du film par rapport à la série. Uhura (jouée par Zoe Saldana) et Spock entretiennent une histoire d’amour. On le sait dès le début du film, en voyant la tête d’Uhura lorsqu’elle comprend que Spock est parti se sacrifier pour sauver une peuplade en danger. C’est vraisemblablement une des clés du film, sachant que ce couple charismatique devra lutter contre les préjugés - ils n’appartiennent pas à la même espèce. Pas de panique cependant : Spock est toujours à cheval sur les règlements puisque dans une scène du début, on découvre qu’il a fait un rapport détaillé de l’incident de Nuburi, contredisant ainsi le tissu de mensonges du rapport de son capitaine et conduisant à la rétrogadation de Kirk, puis au transfert de Spock sur un autre vaisseau (l’USS Bradbury, nommé en référence à l’auteur de Fahrenheit 451 et Chroniques martiennes décédé l'an dernier). Toujours l’humain -le caractère- avant toute chose. Enfin, outre Benedict Cumberbatch, de nouvelles têtes font leur apparition. Les 30 minutes ont permis notamment de découvrir le personnage joué par Peter Weller. Il s’agit de l’amiral Marcus, le père de Carol Marcus (Alice Eve). Il a servi sous le commandement du Capitaine Robert April et commande visiblement le bureau de la StarFleet. Quel sera son rôle dans le film ? N’est-ce qu’un caméo en hommage aux rôles marquants de Weller dans la SF (Robocop, Les Aventures de Buckaroo Banzaï à travers la 8ème dimension, voire Le Festin nu) ou son personnage est-il crucial ? Si Kirk (notoirement priapique) engage une tendre relation avec Carol comme dans la série (ils ont même un fils ensemble), l’amiral sera son beau-père… Mais, rappelons-le, l’univers du film n’est pas le même que celui de la série.Au cœur des ténèbresA l’origine, "J.J. Abrams ne voulait rien montrer du tout" autour de Star Trek Into Darkness, a également déclaré Bruke avant la projection de cette demi-heure époustouflante, qui est encore un work in progess (la musique n'étant pas terminée, les extraits étaient accompagnés d'un temp score issu du premier film... et d'Avengers). Histoire de nous rappeler qu’Abrams maîtrise l’art du teasing comme personne (la promo de son Super 8 fut un modèle du genre). Le réalisateur devenu roi d’Hollywood (au vu de ces images, on imagine à peine ce que va donner Abrams sur la licence Star Wars) sait parfaitement ce qu’il fait : loin des cryptogrammes abscons et autres messages codés dans la veine de ses séries Lost et Fringe, la promo d’Into Darkness attaque de face et mise sur l’épidermique, l’adrénaline et l’excitation pure. On s’embarque dans les ténèbres sans hésiter. Comme l’accroche de la série originale : To boldly go where no man has gone before.