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Aujourd'hui sort en salle Les Rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch, un documentaire étonnant qui suit la recréation d'une pièce de Pina Bausch avec des adolescents amateurs.Ils ont entre 14 et 18 ans, garçons et filles confondus, réunis pour la reprise d'une création mythique de la chorégraphe allemande Pina Bausch. Ils sont complexés avec leur propre corps, mal à l'aise avec le sexe opposé. Certains n'ont jamais dansé, d'autres ne connaissaient que le hip-hop. Ils avaient des préjugés sur la danse contemporaine ou n'en avaient jamais entendu parler. Tous ont compris que quelque chose d’essentiel se jouerait dans ce travail, au-delà même de sa dimension artistique. Ils ont accepté d’y prendre part, et même plus, de se laisser filmer pendant les répétitions. Ils se retrouvent toutes les semaines pour répéter une pièce d'une des plus grandes chorégraphes du XXème siècle, celle qui a inventé la danse-théâtre et draine dans son sillon de nombreux adeptes et admirateurs. Celle qui est décédée l'an dernier, un 30 juin 2009, quelques mois après ce challenge humain et artistique audacieux. Celle que l'on voit finalement peu à l'écran puisque les séances de travail sont dirigées par deux danseuses de sa troupe, Jo Ann Endicott et Bénédicte Billiet, interprètes sur la création originale, trente ans auparavant, en 1978.Mais bien que rares, les apparitions de Pina Bausch disent tout de sa bienveillance, de son exigence aussi, de son immuable douceur et de son calme. Elle est l’auteur de la pièce, l’esprit du projet, son identité. Les deux danseuses médiatrices sont l'émanation de cet art de travailler. Leur patience, leur vigilance, leur attention dans l'accompagnement des jeunes danseurs en herbe va de paire avec l'engagement et la persévérance de leurs petits protégés.Bien sûr, ces jeunes sont des privilégiés au sens où il leur est permis de vivre une expérience unique et fondatrice. Mais les apartés du documentaire, ces instants volés au temps de répétition où la caméra les isole pour les inviter à la confidence, au témoignage, nous révèlent des ados aux vies cabossées. Leur investissement dans le projet n'en est que plus admirable, il devient leçon de vie.Quant à la pièce, Kontakthof, créée en 1978 avec les danseurs professionnels de la compagnie, elle fut récréée en 2000 avec des amateurs de plus de 65 ans, et dans cette ultime recréation, en 2009, avec des adolescents, elle prend au contact de cette jeunesse d'aujourd'hui une dimension encore nouvelle. Pièce qui décline les multiples facettes du rapport de séduction entre hommes et femmes, qui explore les méandres du désir, du contact et de la communication entre les êtres, elle révèle ses interprètes dans leurs frémissements les plus intimes, dans leur immense force et leur vulnérabilité à fleur de peau.Plus qu’un journal de répétitions, ce documentaire signé Anne Linsel et Rainer Hoffman est un vrai film sur la transmission et l’adolescence.Par Marie Plantin.