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Pour fêter 2011, Premiere.fr revient sur l'année cinéma avec ceux qui l'ont faite. On commence avec le cinéaste et scénariste Paul Feig, responsable de la meilleure comédie de fille de l’année : Mes Meilleures amies.Par Gaël GolhenBonjour Paul et bravo !Merci, c’est gentil. Mais de quoi ?Et bien vous avez réalisé la seule production Apatow qui ait marché en France.Oh je ne savais pas ! Super ! Je suis content de l’apprendre. On ne sait jamais si une comédie passe la frontière de la langue et si la traduction rend justice aux blagues qu’on écrit. Cool !Du coup, je me demandais : c’est quoi le secret ? Ah ah ah ! Je ne sais pas sinon je le referai tout de suite. Disons qu’on a mis beaucoup d’énergie pour raconter une histoire humaine, sans s’encombrer de référence. C’est ça qui tue les comédies US aujourd’hui : elles restent enfermées dans des références que les gens ne comprennent pas en dehors des frontières. Ca m’a toujours paru un peu étriqué et c’est évident que ce n’est pas comme ça qu’on séduit le reste du monde !Vous aviez un plan marketing dès l’écriture du film ?  Pas du tout ! Mais Mes meilleures amies racontait l’histoire d’une femme qui essaie de recomposer sa vie, de se rattacher à ce qui lui reste - ses copines en l’occurrence… Et ça, tout le monde peut le comprendre.C’est marrant ce que vous disiez sur le fait de ne pas être référentiel. Le distributeur français avait pour une fois choisi de ne pas mettre en avant le nom de Judd Apatow sur l’affiche. Et pour certains, c’est ce qui explique le succès du film chez nous. Rassurez-moi, y avait quand même  mon nom sur l’affiche ?Oui… Mais en petit. C’est quand même une belle revanche non ? C’est à dire ?Ben… au fond il vous a volé la paternité de Freaks and Geeks Vous savez, Judd et moi sommes amis depuis des dizaines d’années. On s’est rencontré quand on faisait du stand up. On devait avoir 17 ans, et après nos spectacles, on se retrouvait dans une villa de Californie qu’on appelait Le Ranch. Tous les soirs, on jouait au poker, on fumait, on buvait… On est devenus potes parce qu’on avait le même sens de l’humour, la même sensibilité. On est resté très lié, on a grandi ensemble dans le métier et quand il a signé un deal avec Dreamworks pour des séries télés, il m’a appelé pour que j’écrive des pilotes… Et puis je me suis mis à écrire Freaks… en lisant mes premiers traitements, ma femme m’a dit de lui envoyer, en pensant qu’il adorerait. Ce que j’ai fait. OK, mais aujourd’hui tout le monde pense que c’est Judd Apatow le créateur du showC’est vrai que dès que la série a eu du succès on m’a un peu oublié. Mais ce n’est pas de la faute de Judd. Et d’ailleurs il a toujours été très smart là-dessus, corrigeant les mecs qui le créditaient seul. C’est juste comme ça : il est resté dans la ligne de mire du public. Il a créé plein de choses très excitantes alors que je me suis mis en retrait, en devenant réalisateur. C’est pour ça que j’étais super content de faire ce film qui nous réunissait enfin en nous mettant à égalité.Vous n’avez eu aucun problème à intégrer l’écurie Apatow alors ? Non au contraire. Qu’il ait pu créer cette marque nous donne justement une aire de jeu, un endroit où l’on peut faire ce qu’on veut. Sans lui, Mes meilleures amies n’aurait pas été pareil. J’aurais été obligé de caster des acteurs A List et ça aurait tout changer. J’adore bosser avec les stars, je l’ai déjà fait. Mais je préfère - et Judd préfère - caster le bon acteur pour le bon rôle. Quand les spectateurs découvrent un acteur génial dans un rôle - comme Kristen l’est ou Melissa l’est - ils veulent le voir dans plein d’autres rôles. Ils se moquent de savoir si ils l’ont vu ailleurs. C’est ça le pouvoir de la marque.Et établir la marque Paul Feig, ça ne vous intéresse pas ? On espère toujours que ce genre de film ou de succès vous mette dans la lumière. Histoire d’avoir un peu plus de liberté et de marge de manœuvre si, par hasard, Judd décide qu’on doit bosser chacun de notre côté.Bad Teacher, Couleur des sentiments, Mes meilleures amies… L’été 2011 semble avoir été marqué par le triomphe des films de filles. Vous confirmez ? Oui, c’est ce qu’on a dit. Je ne sais pas… Une chose est sure : j’ai toujours préféré écrire des personnages féminins. Dans Freaks, je m’éclatais à écrire le personnage de Lindsay, juste parce que quand j’étais ado, tous mes meilleurs amis étaient des filles ! Les femmes sont mal servies dans les comédies et c’est cool quand elles sont au centre d’un bon projet. J’ai adoré écrire Mes meilleures amies justement parce que je pouvais enfin faire une comédie de filles où les filles n’étaient pas seulement une femme trompée ou la bitch de service.C’est ce qu’on a toujours reproché à Judd Apatow : de maltraiter ses personnages féminins ; d’en faire des bitch ou des écervelées. Est-ce que Bridesmaids était un moyen pour lui de corriger le tir ? Pour lui je ne sais pas. Pour moi c’est sur.  Judd n’est pas misogyne, mais à force de travailler sur des personnages masculins, ça pourrait finir par y ressembler. Ce film me permettait aussi d’aider Judd, de rectifier un peu les clichés qu’on a sur ses comédies et de forcer les gens à aller au-delà de ce qu’on lui reproche. Comme une réhabilitation…Paul, passons aux choses sérieuses : quels sont vos 5 films préférés de l’année ? Ouh là ! C’est dur ce que vous me demandez là. Je n’ai pas été beaucoup au cinéma, cette année. Alors comme ça, je dirai : BeginnersAnonymous. Je ne pensais pas mettre un Roland Emmerich dans une de mes listes, mais c’est vraiment un film génial ! C’est un ami qui a écrit le script et au début je pensais sincèrement que ce serait horrible. A la fin de la projection, j’étais comme un fan boy ; j’ai été voir Emmerich pour lui dire à quel point j’avais adoré. En trois… en trois, Senna ! Un film de fou, vraiment. Ensuite…  Les Winners le film avec Paul Giamatti. Il est dément… Il m’en faut un cinquième ? Ben, c’est un top 5Je ne peux même pas mettre un blockbuster. Ils étaient nuls cette année. Horrible !Donc ? Vous mettez pas une comédie Apatow ? Ca vous obsède vraiment ! ah ben tiens, je vais mettre Bridesmaids.Ben… euh… c’est pas possible. Et ben pourtant, c’est mon film préféré. Il y a la meilleure scène de l’année en plus, dans la boutique de mariage.Si ça peut vous faire plaisir, elle sera effectivement dans notre liste des meilleures scènes de l’année !C’est intéressant, parce que les gens pensent que cette scène est drôle juste parce qu’il y a du vomi et de la merde partout. Faux ! C’est drôle parce que toutes les filles font comme si tout allait bien. Or tout va mal. C’est une question de réalisme. La plupart des comédies US sont over the top. Pour que ce soit drôle les scénaristes en font des tonnes "Wow, c’est crazy, on explose tout, c’est cool, les gens crient". Les acteurs sont ridicules. C’est ce qui nous a toujours fait fuir avec Judd. Notre test limit c’est : "est-ce que ça pourrait vraiment se dérouler comme ça ?". Du coup, on traite nos sujets comme des drames d’abord, on recherche les émotions justes. Une fois qu’on a ça, qu’on frappe cette corde-là, on est sur la bonne voie. Après, il faut réinjecter de la comédie. Dans Mes meilleures amies, c’était précisément cette scène. Mais c’est exemplaire : il fallait qu’on ait un moment où Annie foire tout, pour illustrer qu’elle est sa pire ennemie. Imaginer qu’elle empoisonne tout le monde juste parce qu’elle emmène ses amies à un restaurant dégueulasse pour économiser de l’argent, et que ça la rattrape, on pouvait s’amuser et pousser tous les compteurs dans le rouge. Mais d’abord, il faut que le cadre, l’économie du récit et les personnages soient réalistes… Tu me demandais mon secret au début. Le voilà et les scénaristes de comédies US devraient s’en inspirer.  Mes Meilleures ennemies vient de sortir en DVD.