DR

Après la désorientation temporelle de l’épisode précédent, New Business nous présente un Don Draper plein de bonne volonté qui cherche enfin à construire une relation amoureuse digne de ce nom. Mais le héros de Mad Men bénéficie d'une marge de manœuvre limitée dans cette dernière ligne droite de la série, qui ne cesse de faire revenir d'anciens personnages pour contrarier ses désirs. Critique (avec spoilers) de l’épisode 9 de la saison 7.

Critique de l’épisode 7.09 de la série Mad Men, New Business (spoilers).Si l’épisode de la semaine dernière, Severance, ne montrait aucune image de Betty (January Jones) ni de Megan (Jessica Paré), les deux anciennes épouses de Don Draper apparaissent coup sur coup dans les deux premières minutes de New Business. Passant au domicile de la famille Francis, qui ressemble à un vrai nid de bonheur en l'absence de Sally, puis se voyant sollicité au téléphone par une Megan fauchée qui lui demande 500 dollars en attendant que les avocats en charge du divorce ne s’entendent, le héros de Mad Men se définit d'emblée comme un être marqué par ses échecs conjugaux. Et sa principale motivation de l’épisode consistera justement à construire une relation amoureuse enfin basée sur l’écoute et la connaissance de l’autre.Don retrouve pour cela la trace de Diana, la serveuse rencontrée dans l'épisode précédent, qui lui confie qu'elle est originaire du Wisconsin et qu'elle se remet elle aussi d'un divorce. Manifestant une tendresse et une attention qu’on ne lui connaissait pas, le publicitaire reçoit sa nouvelle amante chez lui et adopte une posture réconfortante quand Diana, en larmes au petit matin, déclare qu’elle a perdu un enfant. Cette mélancolique brune, chez qui Don semble reconnaître ses propres souffrances, reste pourtant sur ses gardes face à ce séducteur dont elle comprend qu'il a pour habitude d’enchaîner les conquêtes. Le couple croisera ainsi dans l’ascenseur Sylvia Rosen (Linda Cardellini), ex-amante de Don, pour un bref moment de gêne qui donne à Matthew Weiner une nouvelle occasion de faire revenir furtivement d’anciens personnages (après le surgissement sous forme de rêve de Rachel Katz dans Severance).Car cette dernière ligne droite de Mad Men, encore dénuée d’un arc narratif majeur, se plaît à rappeler différents protagonistes pour une vaste revue générale des troupes avant extinction des feux. Stan Rizzo et Harry Crane bénéficient quant à eux de quelques minutes de gloire dans cet épisode qui traite en grande partie de jeux de séduction aux airs cyniques et calculateurs (comme s'il s'agissait pour Matthew Weiner de les opposer à la démarche plus sincère de Don vis-à-vis de Diana). La photographe Pima, interprétée par Mimi Rogers, entreprend ainsi de mettre à la fois dans son lit Stan (un poisson facile à ferrer) et une Peggy Olson légèrement désarçonnée, tandis qu'Harry use d'une stratégie maladroite avec Megan, en lui faisant miroiter une opportunité professionnelle en échange d’une partie de jambes en l’air. Renvoyé à ses études, Harry ne rencontre pas le même succès que Roger Sterling, contacté par Marie Calvet (la mère de Megan toujours incarnée par Julia Ormond) afin de la tirer d’un mauvais pas et de reproduire accessoirement leurs ébats sexuels de la saison 5. Le lieu du crime ne sera autre que l’appartement - totalement vidé de ses meubles - de Don, innocente victime d’une machination de Marie.

« She's leaving Papa »

Matthew Weiner a en effet décidé - et ce n'est clairement pas la meilleure inspiration de l'épisode - de convoquer la famille québécoise de Megan pour en souligner à nouveau les dysfonctionnements et nous offrir des disputes en français dans le texte. Alourdies par la présence de Marie-France, la sœur de Megan, ces séquences donnent lieu comme dans la saison 5 à une succession de dialogues invraisemblables qui mixent approximativement langue française et langue anglaise (« She's leaving Papa », entend-on de la bouche d'une Marie-France désespérée). L'intérêt de cette sous-intrigue est d’insister sur la colère que Marie Calvet nourrit à l'égard de son ancien gendre Don, tout en avançant l'idée, deux fois exprimée dans l'épisode, que les hommes d'âge mûr de Madison Avenue volent férocement la jeunesse des femmes qu'ils épousent. Mais la tonalité de vaudeville ici utilisée pour rendre hommage à la langue de Molière s'avère peu convaincante.Toujours est-il que le come-back de Marie Calvet a des conséquences particulièrement cruelles pour Don. Alors qu’il prend la responsabilité de finaliser enfin son divorce en signant à Megan un chèque d’un million de dollars, Don subit ainsi sans le savoir le pillage de son domicile. Les efforts entrepris par le publicitaire pour alléger le poids des rancoeurs amoureuses lui permettent en tout cas de se rendre avec confiance chez Diana, laquelle lui révèle que sa situation familiale est encore plus tragique qu'initialement annoncé. Mais le drame n'effraie en rien Don, qui décèle là une opportunité supplémentaire de faire abstraction du passé et d'inviter son interlocutrice à venir vivre avec lui pour regarder l'avenir avec optimisme. Face au refus d'une Diana qui préfère affronter seule ses fantômes, Don regagne son logement désormais désert. Comble de l’ironie, les paroles de C’est si bon, chantées par Yves Montand, retentissent en conclusion de l'épisode, laissant le héros de Mad Men impuissant face à ses échecs affectifs. Malgré sa bonne volonté, Don doit contempler - comme l’annonçait à juste titre son interprète Jon Hamm - les fondations de son existence s’écrouler inexorablement.Propulsé plus vite que prévu vers le dénuement sentimental, Don Draper paraît inconsciemment guetter le retour de Sally, qui pourrait lui permettre de s'accrocher à des pensées solides en cette année 1970 jusqu'ici très fallacieuse. La relation entre le publicitaire et sa fille occupera-t-elle enfin le devant de la scène le temps de plusieurs épisodes consécutifs ? C'est tout le bien qu'on peut souhaiter à la série et à son personnage principal.

Damien Leblanc

En France, la saison 7 de Mad Men est diffusée sur Canal +.