Affiche sorties de films mercredi 12 janvier 2022
Paramount Pictures France/ Jour2Fête/Memento Distribution

Ce qu’il faut voir en salles

SCREAM ★★☆☆☆

De Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett

L’essentiel

Le cinquième Scream est un film de fan, dans les clous, qui offre à David Arquette une belle rédemption.

2022 : Scream est de retour. Le cinquième de la franchise et le premier depuis la mort en 2015 de Wes Craven. Le nouveau Scream des années 2020 veut relever de sacrés défis, dignes de la relance de Star Wars en 2015 : rendre hommage à la vénérable saga, relancer la franchise pour la nouvelle génération, et être un grand film d'horreur d'auteur en se frottant au genre de l'evelated horror... Ghostface est donc de retour, massacrant l'entourage de la jeune Sam et marchant dans les traces sanglantes des tueurs précédents et jouant un jeu dangereux avec l'héritage des survivants de la saga. 

Pour autant, Scream ne propose pas beaucoup d’idées de cinéma réellement excitantes -encore moins un espace de cinéma intéressant. Il veut interroger un espace extérieur à lui-même, le paysage industriel des reboots, requels et legacyquels des vénérables franchises dans un Hollywood non pas en manque cruel d’idées comme on le pense souvent mais dans un véritable état de terreur catatonique face à la moindre nouveauté. L’industrie préfère (re)lancer des "propriétés intellectuelles", les fameuses IP déjà dotées d'une fanbase : en 2021, S.O.S. Fantômes L’Héritage, Spider-Man : No Way Home, Matrix Resurrections sont autant de films qui se conçoivent littéralement, explicitement dans leur rapport au public, intégrant à leur narration leur propre inutilité, et piratant ainsi leur rapport à la critique. C'est aussi ce que provoque ce Scream, décidément pas vraiment à la hauteur de ses ambitions : réalisé par deux petits malins venus de la série B (V/H/S, Wedding Nightmare), Scream est d'abord un film fait par des fans. Aucun doute sur leur sincérité, mais on aurait aimé que le film -qui prétend justement questionner le fandom toxique !- soit quelque chose de plus audacieux que ce retour aux sources plutôt sage, cette reprise un peu pimpée du premier opus de la série.

Ceci dit, si les nouveaux venus sont sympas (mention spéciale au duo de frangines cabossées, incarnées par Melissa Barrerra et Jenna Ortega), c'est sur le terrain de l'héritage que doit se jouer un enjeu de cinoche. Que faire avec les survivants ? Là, c'est plutôt pas mal joué. Tout comme le Halloween de David Gordon Green, qui donnait à Jamie Lee Curtis l'occasion de dire adieu à sa Laurie, le nouveau Scream n'est jamais aussi réussi que lorsqu'il fait briller David Arquette. Son personnage du gentil Dewey est devenu l'ombre de lui-même, un ex-flic alcoolo et handicapé ruminant ses souvenirs dans une vieille caravane. Le nouveau Scream lui donnera une nouvelle dimension, comme un accomplissement inespéré. C'est déjà pas mal.

Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A AIME

JANE PAR CHARLOTTE ★★★☆☆

De Charlotte Gainsbourg

La scène d’ouverture de ce documentaire- Jane Birkin chantant « Ces petits riens » en concert au Japon – peut un temps conduire sur une fausse piste, celle d’un film purement biographique. Mais très vite, on rentre dans le vif du sujet qui est tout autre. Plus précisément dès la première question que pose Charlotte Gainsbourg à sa mère, une interrogation sur une sensation longtemps tue : celle de s’être sentie traitée différemment dans le regard de sa mère que ses deux sœurs. Le ton est donné. Fille et mère vont passer par le prisme de la caméra pour se dire ce que jamais elles n’ont osé se dire. L’ambition est casse- gueule, le piège du voyeurisme et de l’entre- soi évidemment immense. Mais le film va en faire fi. On est passionnés par leurs échanges autant parce qu’il s’agit de deux icônes que parce qu’on peut tous s’y retrouver. Certes cette famille est hors norme mais les non- dits trop longtemps tus, le besoin de réparer le fil essentiel de la transmission parfois abimé, tend vers l’universel. En 1988, dans Jane B par Agnès V, Varda avait raconté sa « Birkin ». Ici, le titre plus approprié serait Charlotte par Jane… et inversement. Et on en ressort le sourire aux lèvres et les yeux embués.

Thierry Cheze

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PLACES ★★★☆☆

De Nessim Chikhaoui

Dans une précédente vie, Nessim Chikhaoui a travaillé comme éducateur spécialisé dans des Maisons d’Enfants, établissements sociaux spécialisés dans l'accueil temporaire de mineurs en difficulté. Et en passant le cap de la réalisation, il a donc choisi de raconter ce quotidien- là à travers un personnage qui – comme lui - s’y retrouve propulsé presque malgré lui. Car c’est après avoir raté le concours d’entrée à Sciences Po pour une stupide histoire de carte d’identité oubliée qu’Elias vient occuper ce job en attendant de pouvoir se présenter à nouveau. A la sortie de La Vie scolaire, Grand Corps Malade expliquait à Première son envie de célébrer les profs en montrant autant les rires que les larmes dans les obstacles quotidiens qu’ils pouvaient rencontrer. Nessim Chikhaoui suit ici la même logique. De chaque situation lourde de blessures de ces gamins présents dans le centre, il aurait pu faire un film profondément sombre. Mais ce qui l’intéresse, lui, c’est la possible lumière au bout du chemin. Il ne verse jamais dans un optimisme béat et hors sol mais réussit un parfait équilibre entre les moments de tension et ceux de décompression. Avec en plus, la révélation d’une comédienne explosive qui crève l’écran : Lucie Charles- Alfred.

Thierry Cheze

OUISTREHAM ★★★☆☆

De Emmanuel Carrère

Emmanuel Carrère était censé en avoir fini avec le cinéma après  la réalisation de La Moustache, en 2005. Il a manifestement changé d’avis, même si, en réalité, son adaptation du Quai de Ouistreham, le livre-enquête de Florence Aubenas, lui sert surtout à prolonger ses préoccupations d’écrivain par d’autres moyens. L’héroïne du film, jouée par Juliette Binoche (et qui ne s’appelle pas Florence Aubenas, mais Marianne Winckler) est une écrivaine parisienne qui s’inscrit au Pôle Emploi de Caen sous une fausse identité, pour pouvoir mieux comprendre la réalité de la précarité contemporaine. Elle va trouver un boulot de nettoyage de nuit dans les ferrys d’Ouistreham et, au passage, se lier d’amitié avec certaines collègues. Plus qu’Aubenas, qui avait un constat social à dresser, ce sont les questions morales que se pose l’écrivain qui intéresse ici Carrère. Ouistreham se regarde au moins autant comme un film social à la Ken Loach que comme un thriller d’infiltration, où l’on se demande quand va se faire pincer l’agent undercover, à la fois héros et salaud. Le film révèle au passage une actrice non-professionnelle stupéfiante, Hélène Lambert, dans le rôle de l’amie trahie. Le genre d’apparition miraculeuse qui, pour le coup, ne peut arriver qu’au cinéma.

Frédéric Foubert

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LITTLE PALESTINE, JOURNAL D’UN SIEGE ★★★☆☆

De Abdallah Al- Khatib

Dans l’impressionnant Pour Sama, l’étudiante syrienne Waad al-Kateab avait filmé son quotidien au fil des cinq années du siège d’Alep. Un document autant qu’un documentaire. Abdallah Al- Khatib emprunte la même forme du journal filmé pour raconter un autre siège brutal fomenté par Bachar El- Assad, celui du quartier de Yarmouk à Damas où il vivait, le plus grand camp de réfugiés palestiniens au monde. Comment filmer la mort qui peut frapper à tout moment, la privation, l’humiliation, la soumission forcée à la terreur ? Al-Khatib empoigne l’arme de la dignité, célèbre le courage de ces habitants, sans chantage lacrymal. Les sourires et la retranscription des rêves des enfants, figures centrales de son film, emmènent le récit sur le chemin de la résilience. C’est après avoir dû fuir cet enfer pour s’exiler en Allemagne que le cinéaste a construit Little Palestine. Et ce recul rend le résultat encore plus puissant.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

ADIEU MONSIEUR HAFFMANN ★★☆☆☆

De Fred Cavayé

Après trois thrillers efficaces (Pour elle, A bout portant, Mea culpa), Fred Cavayé a décidé de changer de registre avec Radin puis Le Jeu, deux succès populaires indéniables mais décevants par rapport à sa « première vie ». En adaptant la pièce de Jean- Philippe Daguerre couronné par deux Molières en 2018, il s’aventure pour la première fois dans un sujet non contemporain. En l’occurrence, l’Occupation, où un joaillier juif propose à son employé et sa femme désespérée de ne pas tomber enceinte de lui confier sa boutique, à la condition de le cacher dans la cave pour éviter une rafle. Un sujet fort, riche en personnages ambigus et en rebondissements finement distillés, porté par un épatant trio d’acteurs (Daniel Auteuil- Gilles Lellouche – Sara Giraudeau) qui pâtit juste de la difficulté du cinéaste à se défaire de la pesanteur de la reconstitution historique. Même si le huis clos lui permet de s’en affranchir au maximum.

Thierry Cheze

SANS TOI ★★☆☆☆

De Sophie Guillemin

D’abord un constant. Même si elle ne tient pas le rôle central de son premier long comme réalisatrice, l’actrice Sophie Guillemin (L’Ennui), sa cinégénie, son phrasé manquaient au cinéma. On ne boude donc pas son plaisir de la retrouver après 7 ans d’absence ! Mais le personnage central de cette histoire (campé par Thierry Godard qui l’a co- écrite) est un négociateur en vin qui, suite à un coup de fil anonyme de Russie dans lequel il a cru reconnaître la respiration de la femme de sa vie (Guillemin donc) disparue depuis 4 ans, plaque tout pour tenter de la retrouver. Sans toi raconte ce chemin de croix résilient au dénouement incertain. Desservi par des dialogues approximatifs et des situations trop téléphonées, le film trouve son ton dans les longs moments de dérive silencieux du personnage principal, basculant dans une étrangeté qui aurait mérité à être plus creusée.

Thierry Cheze

LA LECON D’ALLEMAND ★★☆☆☆

De Christian Schwochow

Christian Schwochow (De l’autre côté du mur) adapte le best- seller de son compatriote Siegfried Lenz, publié à la fin des années 60 qui abordait la question de l’endoctrinement nazi. On y suit un jeune délinquant qui, à l’occasion d’une rédaction sur le thème des « joies du devoir », se remémore un épisode décisif de son enfance qui a fait basculer sa vie. Son opposition à un père brutal, officier de police contraint par les lois du Reich à empêcher son voisin et ami d’enfance peintre d’exercer son art jugé trop subjectif. La Leçon d’allemand raconte donc cette remise en cause de l’autorité paternelle en instaurant un climat de tension malaisante qui finit cependant par s’essouffler au fil de ses bien trop longues 125 minutes, faute d’une radicalité dans sa mise en scène qui l’aurait forcément dopée.

Thierry Cheze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

CHER EVAN HANSEN ★☆☆☆☆

De Stephen Chbosky

Un ado inadapté s’écrit à lui-même le jour de la rentrée pour se donner confiance en lui, mais cette lettre va provoquer une succession d’événements bouleversants. Faute de budget suffisant pour satisfaire notre appétit en matière de musical à Londres ou New York, on attendait de pied ferme cette adaptation d’un très gros succès récent de Broadway. Le problème est que le réalisateur Stephen Chbosky (Le Monde de Charlie), a bien du mal à faire autre chose à partir de ces mélodies sirupeuses et répétitives, que de livrer un mélo égocentrique qui pèse des tonnes. On sauvera quand même les femmes qui luttent pour ne pas couler : Julianne Moore, Amy Adams et la brillante Kaitlyn Dever (Unbelievable), toutes superbes et qui méritaient mieux que ces trémolos nombrilistes.

Sylvestre Picard

 

Et aussi

Conférence, de Ivan I. Tverdovskly

Le Cygne des héros, de Claude Saussereau

Félix et le trésor de Morgäa, de Nicola Lemay

Valimaï, de H. Vinoth

Vitalina Varela, de Pedro Costa

Reprises

Paragraphe 175, de Rob Epstein et Jeffrey Friedmann