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PREMIÈRE : Avec le recul, comment expliquez-vous le lynchage cannois du film, un thriller d’auteur qui invente une nouvelle forme abjecte de voyeurisme ?Atom Egoyan : Je ne l’explique pas en fait. La réception critique, à quelques exceptions notables près, a été un désastre. Je n’étais pas à la projection de presse du matin mais ces deux heures ont scellé le destin du film. L’avant-première publique le soir s’est très bien passée mais c’était trop tard, le mal était fait.La version sortie en salles était-elle différente de celle présentée au Festival ?Oui. J’ai voulu une fin plus sombre et plus équivoque. Trop de questions étaient soudain résolues dans les dernières scènes. Mais ça n’explique pas la violence de l’accueil à Cannes. Peut-être que la neige et les paysages avaient préparé les critiques à un nouveau De beaux lendemains. Or Captives n’a rien à voir. De beaux lendemains baignait dans une réalité lyrique, alors que Captives est plus rugueux, plus ambigu.C’est un thriller avec un casting prestigieux qui aurait pu prétendre au million d’entrées. Il n’a pourtant pas dépassé les 100 000 spectateurs.Les critiques ont été bien plus positives à la sortie du film qu’à Cannes. Mais il est arrivé en salles le 7 janvier, jour de l’attaque de Charlie Hebdo. Bien sûr, les cinémas étaient vides. Personne n’avait envie de voir un thriller qui traite d’un sujet aussi difficile dans un tel contexte.Captives a-t-il eu du succès dans les autres pays ?De tous mes films, c’est celui qui a connu le meilleur démarrage au Canada. Après sa sortie, il a très bien marché sur iTunes. Les ventes de DVD et de Blu-ray en Amérique du Nord ont aussi été conséquentes, donc j’espère qu’il va enfin trouver son public en France. Loin de l’hystérie festivalière, le public appréciera peut-être mieux le ton et la construction complexe de ce récit où on est plongé au cœur d’une enquête autour de six personnages qui flottent pendant huit ans dans un enfer sur Terre. Beaucoup de comparaisons ridicules et paresseuses ont été faites avec Prisoners, de Denis Villeneuve, mais Captives, qui a été écrit bien avant, essaie de traiter d’un sujet assez unique. C’est un thriller sur l’enlèvement d’un enfant, certes, mais où la capacité à espérer des personnages constitue les pièces manquantes du puzzle. Il ne repose sur aucun des aspects traditionnels du genre : pas de compte à rebours ni de whodunit. L’unique source de tension, c’est le désespoir fluctuant des personnages.Interview de Stéphanie LamomeEn DVD et blu-ray le 12 maiBande-annonce de Captives