La metteure en scène Irina Brook s’installe au théâtre de Paris avec Pan, une toute nouvelle création d’après Peter Pan de J.-M. Barrie, et la reprise de son réjouissant En attendant le songe d’après Shakespeare. Deux invitations à voyager dans l’imaginaire, au cœur du théâtre.Propos recueillis par M.-C. NivièreComme les enfants dans Peter Pan, le spectateur est toujours prêt à partir au pays de l'imaginaire.Je dirais même que, pour moi, un bon spectacle, c'est quand metteur en scène et artistes, main dans la main avec le théâtre, ont la capacité de se créer un pays inventé où tout est possible à partir de rien. Le théâtre c'est l'envol de l'imaginaire, mais aussi le moyen de retrouver à tout moment l'esprit de l'enfance. Je parle avec mon propre langage théâtral. Peut-être que mon humour s'est arrêté à mes 15 ans ! J'ai dû garder un côté enfantin, d'adolescente rebelle. Ce qui est très anglais en fait.Pan, n'est pas un spectacle pour enfants.En France, plus qu'ailleurs, Peter Pan est considéré comme une œuvre pour enfants. Or, en Angleterre, avant d'être un roman, c'est avant tout une grande pièce du répertoire, écrite en 1904, pour tous, surtout ceux qui ont gardé une âme d'enfant. Je l'aborde exactement comme si c'était du Shakespeare. C'est une grande œuvre. Et lorsque l'on commence à analyser ce texte, on s'aperçoit que l'on peut y passer des jours. Barrie y a mis des choses qui le touchaient profondément. Son enfance a été marquée par la mort de son frère. Il a voulu être celui qui rendrait le sourire à sa mère. Cela me touche, car proche de mon idée de l'artiste.Vous avez réuni autour de vous une troupe de sacrés « garnements ».Je suis fascinée par eux tous. La richesse vient du mélange, celle des origines, mais aussi des disciplines diverses, danse, cirque, théâtre, musique. C'est un groupe très uni qui forme déjà une famille… C'est dans l'esprit de James Barrie. Mes « Lost Boys » ont un âge indéfini, entre 17 et 30 ans. Interpréter un enfant, c'est avoir gardé l'esprit de cette période. En tant que metteur en scène, je suis une Wendy entourée de « Lost boys ». Et j'ai la chance d'avoir trouvé la Wendy de mes rêves dans Babet, une merveilleuse chanteuse qui « monte » et qui a accepté de faire un saut dans l'inconnu du théâtre. Et puis, il y a eu le miracle de Pan. Quand Louison est entré dans la salle pour son audition, j'ai tout de suite su, malgré son pied dans le plâtre et ses béquilles, que Pan ne pouvait être personne d'autre. C'était une évidence.Et vos pirates, dont le capitaine n'est autre que le beau Georges Corraface ?J'aime que les méchants soient attirants, qu'ils aient leur propre humanité. Georges, je le croise depuis longtemps aux Bouffes du Nord. J'ai eu un coup de foudre quand je l'ai vu dans Le Mahabharata. Je savais qu'il était aussi musicien. Quand j'ai cherché qui pourrait jouer Crochet/Hook, je me suis dit qu'il serait parfait. La chance est incroyable quand les ondes fonctionnent. Je voulais un groupe de pirates-rockeurs et je suis tombé sur des acteurs musiciens qui forment un trio musical parfait.Et les fées ?Ce qui est drôle, c'est que dans Le Songe on trouve aussi des fées, mais elles y sont plus viriles, car jouées par des garçons ! Il y a même, dedans, un hommage à Peter Pan. Avec Clochette/Tinkerbelle, j'ai maintenant une vraie fée, très blonde et très belle.Votre travail part d'improvisations, comme un grand jeu…Cela permet de faire voyager l'acteur très loin dans son imaginaire, mais aussi de créer, de sortir de la matière et de réinventer des choses. Et surtout de jouer, comme un enfant qui sort la malle à déguisements. Au début, on travaille à partir de jeux, d'exercices, puis on revient au texte et là on repart avec un mélange de vrai texte et de ce qui vient de nous. On voyage ensemble. Car je crée le moins possible avant. Du coup, je peux me retrouver à tout changer. J'enlève, j'enlève, car je me rends compte que cela ne sert à rien, seul l'imaginaire compte.Nous nous retrouvons sur une île ?Eh oui, encore ! Comme dans L'île des esclaves, La Tempête, Une Odyssée ! Une île, avec des gens qui se déguisent, un thème qui revient souvent dans mon travail. Dans ces îles, il n'y a rien, mais elles sont riches en humanité. Les interprètes ont en eux une si grande richesse qu'il n'y a pas besoin de rajouter grand-chose. Il va y avoir un bout de bateau, un vieux carrousel et trois tonnes de sable. Tout ce qu'il y a de pire pour une tournée et aussi pour les comédiens qui s'en prennent dans les yeux ! Surtout qu'ils dansent et sautillent dans tous les sens !Grâce à votre père Peter Brook, vous avez souvent voyagé au pays de l'imaginaire ?J'ai eu la chance de grandir dans un milieu où l'imaginaire était au centre de tout. C'étaient les années 70, la période hippie, les voyages en Afrique… Il sortait un tapis et, sans rien de plus, les histoires se racontaient… Ma première formation fut un théâtre brut, sans artifices. Si j'avais été enfant dans les années 50, quand mon père faisait des grands spectacles à Broadway, avec des décors élaborés, cela aurait peut-être été différent.Ce n'est pas pour rien que vous présentez En attendant le songe et Pan.Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare mis en scène par mon père et Peter Pan sont les deux premières pièces que j'ai vues enfant. C'est à ma manière une célébration du théâtre. Je reste fidèle à moi-même. Privé, subventionné, pour moi c'est la même chose. Je continue avec ma famille et le joyeux bordel qui nous accompagne.En attendant le songe à partir du 19 mai au Petit Théâtre de Paris.>> Réservez vos places pour le spectacle !Pan à partir du 12 mai au Théâtre de Paris>> Réservez vos places pour le spectacle !