DR

Made in France aurait dû être en salles ce 18 novembre mais sa sortie a été repoussée au lendemain des attentats de la semaine dernière. Réaction et réflexions de son réalisateur, Nicolas Boukhrief.

Sam, journaliste indépendant, profite de sa culture musulmane pour infiltrer les milieux intégristes de la banlieue parisienne. Il se rapproche d’un groupe de quatre jeunes qui ont reçu pour mission de créer une cellule djihadiste et semer le chaos au cœur de Paris.

Ceci est le synopsis de Made in France, thriller choc qui réfléchit à l'intégrisme, au terrorisme et la manière dont il se propage, et qui aurait dû sortir en salles ce mercredi. Il suffit à comprendre pourquoi son distributeur a annoncé le report de sa sortie le 14 novembre. Pourtant, le film devenu brûlant de Nicolas Boukhrief arrivait (presque) au bout d'un chemin chaotique au cours duquel il n'aura cessé de croiser l'actualité. 

Le cinéaste réagit pour Première et réaffirme sa volonté de montrer, un jour, son Made in France.

Pourquoi avoir pris la décision de repousser la sortie de Made in France ?
Cette décision a été prise d'un commun accord avec le producteur, Radar Films, et le distributeur, Pretty Pictures. Pour ce qui me concerne, je considère que les évènements de ce vendredi 13 ne laissaient plus de place dans l'immédiat à une fiction de ce type, aussi juste soit-elle. Un thriller comme Made in France nécessite, par exemple, une scénarisation et une mise en scène de la violence qui ne peuvent être proposées au public alors que des victimes, des blessés et leurs familles vivent une tragédie sans nom, en même temps que des millions de Français. Le cinéma peut, je pense, proposer dans le meilleur des cas une synthèse du monde qui nous entoure. Pas un reflet immédiat de la réalité la plus agressive qui soit. Il y aura un temps pour montrer ce film, mais il faudra pour cela que nous soyons sorti de celui du deuil et du traumatisme. 

Vous avez toujours envie de le montrer ?
Oui, j’ai toujours envie de montrer ce film dont le point de vue depuis le départ est de décrire un état de fait et de raconter des personnages bien plus que de les juger. C'est ce même point de vue qui me manque aujourd'hui quand j'écoute les commentaires en boucle des chaînes d'info...  J'ai toujours envie de montrer ce film parce qu'il nous a fallu beaucoup de temps, de réflexion et d'efforts pour le mener à bien et tenter de faire partager l'urgence que nous ressentions à traiter un tel sujet... J'ai toujours envie de montrer ce film pour le travail accompli par ses comédiens et son équipe technique qui ont tous su prendre à coeur ce projet pour le mener à bien à mes côtés.

>>> Attentats de Paris : les conséquences sur les sorties de film

Pensez-vous que le 13 novembre changera le regard sur le film ? On ne verra peut-être pas Made in France de la même manière maintenant que quelques mois après "Charlie".
Le 13 novembre ne changera pas, je pense, le regard que l'on pourra avoir sur ce film. Pas plus en tous cas que les évènements de "Charlie Hebdo" de "l'Hyper Casher" et le meurtre des policiers de janvier. Deux tragédies auxquelles le film est antérieur. Peut-être le rendra-t-il concernant aux yeux d'un plus grand nombre de spectateurs, davantage touchés aujourd'hui par ce sujet qu'il y a quatre ans, quand j'ai commencé à l'écrire. Mais ce n'est pas moi qui peux le dire.

Auriez-vous fait les choses différemment si vous l'écriviez aujourd'hui ?
Je ne pense pas qu'Eric Besnard et moi-même nous lancerions dans l'écriture de ce film aujourd'hui, tout comme je n'aurais sans doute pas osé le faire après le mois de janvier. Par peur de manquer de recul. Si je l'avais tout de même fait, j'espère que ma démarche aurait été la même : à savoir utiliser les moyens du film de genre, du thriller, afin de montrer la dérive de mes personnages plus que de les commenter. Et tout faire pour que ce film évite les amalgames, les stigmatisations et la moindre ambiguïté.

Lundi, on a tous pensé à la VOD : pourquoi ne pas essayer de le sortir comme ça pour que le plus grand nombre puisse le voir là, maintenant, dans la mesure où vous l'avez fait en pensant à ses vertus pédagogiques ?
Nous réfléchissons aujourd'hui au meilleur moyen de sortir ce film. La VOD est une de nos possibilités, mais il faut pour cela demander une dérogation, la "chronologie des média" étant très rigoureuse en France. Mais d'une manière ou d'une autre le film sera donné à voir. Nous ferons tout pour cela en tous cas.

Propos recueillis par Vanina Arrighi de Casanova

Made in France de Nicolas Boukhrief avec Malik Zidi, Dimitri Storoge, François Civil et Nassim Si Ahmed n'a plus de date de sortie pour l'instant.
Bande annonce :