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Laura Poitras lui consacre un documentaire captivant.

Citizenfour, le journal filmé de Laura Poitras, dévoile les coulisses du plus gros scandale d’espionnage de l’époque, enregistrant, sans la reconstruire ou l’analyser, l’Histoire au moment où elle se déroule. Dans une chambre d’hôtel hongkongaise, où Edward Snowden, t-shirt blanc, pieds nus, retrouve, après plusieurs mois d’échanges cryptés, les deux journalistes à qui il a choisi de raconter sa vérité.

Une chambre qui devient son tombeau, et notre fenêtre unique sur l’actualité en train de se faire. Derrière son calme et sa grande éloquence, Snowden, l’ex-analyste de la NSA, est une bombe à retardement. Un homme qui a besoin de parler. Le lanceur d’alerte pour enterrer tous les lanceurs d’alerte. Il a des révélations choquantes à faire, des montagnes de documents à rendre publiques, une vie à oblitérer (la sienne), et il aimerait s’y mettre au plus vite. L’autre matin, il disait au revoir à sa petite amie en sachant qu’il allait probablement ne plus jamais la revoir. Elle ignorait tout de ses intentions. Aujourd’hui, il insiste : il ne veut pas « devenir » l’histoire. Moins on parlera de lui, plus ses révélations domineront les conversations… En direct à la télé, il regarde le cirque médiatique s’emballer, la planète s’indigner, Obama l’officialiser en tant que traître. On ressent alors pleinement l’angoisse du mec qui ne s’appartient plus. Impuissant à saisir les innombrables répercussions de ses actes, incapable de trouver la coupe de cheveux qui lui convient après une heure passée devant la glace…

Oliver Stone s’apprête à faire de Snowden un héros de cinéma, un vrai, avec un film starring Joseph Gordon-Levitt. En attendant, Citizenfour montre un jeune homme sous pression, extraordinairement composé, persuadé que l’avenir du monde libre passe par le sacrifice de sa personne. Un héros du réel. Un vrai.
Benjamin Rozovas


Citizenfour est un thriller qui prend d’autant plus aux tripes que ses enjeux sont bien réels