Alpe d'Huez 2024
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Heureux gagnants et Et Plus si affinités, présentés en compétition officielle, se sont attaqués aux deux sujets les plus porteurs. Pour le plus grand bonheur des festivaliers.

On a croisé au QG la présidente du jury du festival de l'Alpe d'Huez, Valérie Bonneton, entre un Mini suprême (le snacking Milka partenaire officiel du festival) et un verre de Roussette (5 étoiles sur Google). Et on a demandé à Valoche, ainsi qu’un des piliers du QG venait de la surnommer, on lui a demandé, donc, ses impressions sur le festival. « Vous voulez peut-être que je vous donne le nom du gagnant, hé ho !? » OK, alors juste un feeling peut-être ? « C’est bien ». Comme on pratique le journalisme d’investigation, on n’a pas lâché le morceau, et on a fini par avoir ce qu’on cherchait : « Ce qui est formidable, c’est cette nouvelle génération d’écriture, et surtout cette diversité. On rit à l’Alpe d’Huez, on rit franchement cette année, mais on rit triste aussi » (on la soupçonne de nous avoir piqué notre formule d’hier, dis donc). « Il y a des formats différents, des genres différents, des sujets différents mais ça parle de nous, et de la société ».

Dans le mille, présidente. Dans le programme d’hier, il était question de sexe et d’argent. Soit les deux mamelles de la vie. Ça a commencé avec Heureux Gagnants, un film à sketchs qui gravitait autour d’un seul thème : le pognon. Suivant la piste indiquée par son titre ironique, le film évoquait donc le destin de gens qui venaient de gagner au Loto et les conséquences globalement funestes de cet « heureux » hasard.

Genres variés

Un gros candidat à la conquête du public, mijoté dans l’esprit de la défunte comédie italienne, et relevé par une galerie d’acteurs venus de la rigolade qui apportent un supplément volcanique. Quatre sketchs au programme dont voici la description-minute :

1. Une famille de cassos part en vacances. Le père (Fabrice Eboué), loser intégral, sa femme tendance acariâtre et leurs deux enfants. Sur le trajet, la gamine découvre que le père, joueur invétéré, a gagné le gros lot au Loto. Problème : il ne lui reste que quelques minutes pour aller réclamer son gain avant de perdre définitivement l’argent. S’ensuit alors une course contre la montre dans les rues du Sud, le père se transformant en Bruce Willis des calanques. C’est le segment action du film et sans doute le plus tonique.

2. Une jeune femme vient de récupérer son gros chèque après avoir gagné au Loto. En sortant, elle se fait renverser par un bel homme. Coup de foudre, premier rencard et puis très vite la parano : et si le bel Apollon en avait après son fric ? Le segment joue avec le doute et slalome (on est à l’Alpe d’Huez, ça passe) entre  la comédie romantique et le film d’arnaque.

3. Des terroristes islamistes veulent faire sauter une bombe. Au moment d’acheter le téléphone qui déclenchera l’explosion, l’un des méchants prend un ticket de loto pour ne pas éveiller les soupçons. L’attentat se prépare et alors que l’équipe se dirige vers le lieu du forfait, l’un des membres découvre qu’ils ont gagné le gros lot ! Comédie foutraque et provoc, assez proche de l’esprit d’un We are Four Lions, ce segment fonctionne surtout sur l’abattage de ses acteurs.

4. La malédiction d’Henri est le sketch fantastique-horreur. Alors qu’il vient de gagner au loto un vieillard meurt d’une crise cardiaque dans son Ehpad. Les infirmières et le médecin qui se sont occupés de lui tombent sur le ticket et décident de garder l’argent. Très vite, ceux qui ont empoché l’argent meurent les uns après les autres. Anouk Grinberg est impec dans le rôle principal.

On retrouvera dans une coda toujours plus noire le couple du début.

On a compris : les réalisateurs Maxime Govare et Romain Choay s'inscrivent - quasiment ouvertement - dans la lignée des Monstres de Risi ou des Nouveaux sauvages de Szifron, deux exercices de style sur le minable de l'âme humaine. C’est Risi qui affirmait : «Je déteste le moralisme et je préférerais toujours être cruel plutôt que de dire la "bonne" parole ou montrer la "bonne" attitude.» Les deux cinéastes sont les héritiers de cette philosophie, avec déluges de sales coups et mesquineries en tout genre. Surtout, ils esquissent un cinéma qui s'insère dans un socle varié : les séries B d’action, les films des années 70 qui flirtaient avec l'underground, l’horreur ou le fantastique, et la comédie trash et politiquement explosive. C’est forcément inégal, mais assez réjouissant.

Et plus si affinités
Ampilhac Mireille/ABACA

Bernard Campan, Julia Faure et Pablo Pauly au festival de l'Alpe d'Huez pour Et plus si affinités.

À l’autre bout du spectre (on n’a pas dit du sexe !) on a vu le soir même Et plus si affinités. Dans ce film de Wilfried Meance et Olivier Ducray, il n’est pas question d’argent, mais de cul - et d'amour un peu. Remake français du film espagnol Sentimental, cette comédie de boulevard est un huis clos théâtral dans lequel un couple qui bat de l’aile (Bernard Campan et Isabelle Carré) invite à diner leurs voisins (Pablo Pauly et Julia Faure) plus jeunes et sacrément plus modernes.

Plus que modernes même : libres. Quand les jeunes proposent un plan à quatre à Campan et Carré, la sympathique soirée prévue se charge progressivement de tensions et les non-dits, où les dialogues explicites détériorent vite l’atmosphère conviviale. Et plus… se veut une version olé olé du traditionnel « dîner entre amis qui tourne mal », brevet revu et redéposé il y a quelques années par Yasmina Reza. Il y a du Carnage ou du Prénom ici. Malgré son beau décor et la luxueuse production, le film laisse une impression de théâtre filmé. Tout repose sur des champs-contrechamps et sur la vacherie des punchlines lâchées par le personnage de Campan, musicien aigri et raté. Les surprises invraisemblables du scénario et le dénouement rendent l’ensemble un poil artificiel. Mais, au riromètre, c’est le plus sérieux candidat pour le Prix du public. La salle, hilare, vibrait au diapason du film. Et on doit avouer que Julia Faure et Pablo Pauly, par la grâce et la finesse de leur jeu, leur sens du timing aussi, donnaient beaucoup d’humanité à leur couple.

Valérie a-t-elle été conquise par le film ? Rendez-vous samedi soir, présidente.

Et plus si affinités, le 3 avril 2024 au cinéma. Heureux gagnants sera dans les salles le 13 mars prochain.