DR

Suite à notre interview du trésorier des César, les producteurs d’Indésirables ont tenu à lui répondre.

Rappel des faits. Vendredi dernier, nous publions sur notre site une interview d’Alain Rocca en réaction à une lettre ouverte envoyée aux journalistes par Philippe Barassat, le réalisateur d’Indésirables très déçu de ne pas pouvoir figurer dans le coffret des César.

Voici dans son intégralité la réponse des producteurs du film, Sylvie Renon et Frédéric Gastineau. Je précise, étant visé par une remarque, qu’Indésirables n’est en effet pas réductible au mot « trash » (ce terme définit néanmoins assez bien le travail de Philippe Barassat) et que j’aurais dû écrire « personnes handicapées » au lieu « d’handicapés ». Dont acte.

Voir notre interview d'Alain Rocca

« Réponse d'un petit producteur à un grand :

Monsieur,

 

Votre réponse à la lettre ouverte de Philippe Barassat amène de notre part les remarques suivantes, de différents ordres.

Les deux premières sont plus spécialement destinées au journaliste qui a présenté votre réponse :

Tout d'abord, Indésirables  n'est définitivement pas un film "trash". Il faut ne pas l'avoir vu ou être d'une mauvaise foi absolue pour écrire une chose pareille. Ensuite, il n'est plus admissible aujourd'hui de parler "d'handicapés". MM Rocca et Narbonne, nous vous informons que les handicapés sont en fait des personnes, comme vous et nous.

Pour entrer dans le vif du sujet, oui nous faisons partie des producteurs que vous jugez n'être "pas sérieux". Mais peut-être que vous et nous situons le sérieux de notre profession dans des domaines et des choix différents.

Produire Indésirables a été pour nous un combat. Les pieds dans la boue, les manches retroussées et des projectiles divers et variés nous sifflant aux oreilles. Nous avons gardé le cap : sortir le film. Mais pendant ces longs mois de bagarre, nous n'avons pas pensé c'est sûr aux tapis rouges et aux flonflons.

Comme nous aurions aimé que le film fasse dix fois plus d'entrées dans les salles. Comme nous aurions aimé quelques récompenses consensuelles comme des nominations aux César pour prouver que les vilains petits canards que nous sommes, pouvaient prendre leur revanche, et pour offrir cette revanche comme le plus beau cadeau que nous pouvions faire à tous ceux qui ont participé à la naissance du film.

Le budget d'Indésirables était de 200 000 €, apports en industrie et participations compris. Nous avons eu la chance de trouver un distributeur qui a assuré au film une promotion plus que digne. Mais n'ayant pas intéressé de vendeur pour l'international, et étant restés dans l'incertitude pendant de longs mois sur la sortie du film en France, nous avons consacré notre petit budget promotion à l'inscription du film dans un maximum de festivals étrangers.

Alors quand le mail de votre Académie est arrivé, nous nous sommes juste dit : hou là là... Les César, ce n'est pas pour nous, c'est pour les riches ! Tant pis, ce n'est pas le plus important, le plus important c'est de vendre le film.

Mais alors, nous n'avions pas lu votre réponse et nous ne savions pas que nous pouvions demandé de l'aide à une grosse production, ou un crédit sur dix ans ! Nous avons donc été heureux de l'apprendre, même trop tard.

En ce qui concerne le choix de l'Académie de ne pas utiliser des liens sécurisés vers viméo ou d'autres sites permettant de visionner le film en streaming, nous ne le comprenons pas bien, à l'heure où même les fichiers DCP sont envoyés aux salles à partir d'une plate-forme et où toutes les inscriptions dans les festivals peuvent se faire de la même manière.

Nous ne comprenons pas bien non plus que les invitations pour les projections que nous pourrions organiser nous-mêmes ne puissent pas être envoyées par mail.

Il reste donc que sur un tout petit budget, réservé par force à l'essentiel, 7000 € (pour le coffret) ou 4000 € (pour l'envoi des invitations) est une somme disproportionnée. Et que ce fameux coffret, qui ne contient donc que les films qui ont pu payer leur participation aux frais (que nous n'appellerons donc pas un ticket), semble dévier à l'arrivée à 180 °, du noble souhait de départ de faire voir tous les films à tous les votants.

Enfin, en ce qui concerne votre remarque sur les films qui marchent qui financent ceux qui ne marchent pas, sans vouloir entrer dans un débat autre, nous nous demandons bien comment cela peut être édicté comme principe, personne ne sachant à l'avance si un film va "marcher" ou pas.

Respectueusement,

 

Sylvie Renon

Frédéric Gastineau ”