DR

C'est une des scènes les plus fortes du film : des corps décapités pendus comme des morceaux de viandes à des crocs de boucher sous un pont en pleine ville, devant lesquels passe le convoi d'une équipe des forces spéciales américaines ; et le personnage de Benicio Del Toro qui dit, impassible : "Bienvenue à Juarez".Le portrait de la ville frontalière, théâtre d'affrontement des cartels, connue pour son taux de criminalité alarmant et ses meurtres jamais résolus (les "disparues de Juarez" faisaient la Une des journaux dans les années 1990), est sans concession dans le thriller de Denis Villeneuve. Terre sans foi ni loi, décor cauchemardesque où les affrontements armés, la nuit tombée, ont des airs de feux d'artifice, Juarez est dans Sicario le symbole du Mal qui ronge le Mexique.>> Sicario réalise un fantasme longtemps resté inassouvi">>>> Sicario réalise un fantasme longtemps resté inassouviPourtant, la ville, longtemps considérée comme la plus dangereuse au monde, a entrepris une mue ces dernières années qui commence à payer : en 2010, on comptait 8 meurtres par jour dans cette cité de 1,5 millions d'habitants. En 2015, on n'en compte plus "que" 20 à 30 par mois. Une rénovation du centre historique a été entreprise, une opération de nettoyage de la police pour neutraliser les effectifs corrompus a porté ses fruits, des peines de prison plus lourdes ont été décidées... Autant d'initiatives qui commencent à rendre la ville plus propre et plus sûre - même si, selon le New York Times, des experts estiment surtout que le calme relatif est dû à un accord passé entre les cartels de la région.Quelle qu'en soit la cause, la ville a changé, et Sicario, qui n'est pas exactement un prospectus d'office de tourisme, n'en prend pas acte : "Toute une communauté travaille à améliorer l'image de sa ville et le film sort et en donne une image désastreuse" se plaint le maire de Juarez, qui appelle les habitants à boycotter le film de Denis Villeneuve. Le cinéaste a rappelé dans un mail au quotidien américain que son thriller avait été écrit en 2010, aux heures les plus sombres de la ville. "Nous n'avions pas l'intention de nuire aux habitants de Juarez avec notre film poursuit-il. Ceux qui se battent pour la paix méritent notre respect".>> Rencontre avec Benicio Del Toro">>>> Rencontre avec Benicio Del ToroCe qui n'apaise pas le maire qui s'inquiète pour le tourisme et les débouchés économiques pour sa ville : "Les Américains et Européens qui pensaient venir à Juarez changeront sans doute d'avis en voyant le film. Idem pour les investisseurs potentiels". "Le film est dur mais réaliste" estime pourtant un habitant. "Il est même en-dessous de la réalité".Sicario n'est pas encore sorti au Mexique, où il sera distribué en décembre.Il est en revanche dans toutes les salles françaises et en couverture du dernier numéro de Première.