Full Circle
HBO Max

Le réalisateur de Traffic raconte l’histoire d’un kidnapping sur fond de mauvaise conscience postcoloniale. Un thriller d’abord fiévreux mais qui finit par tourner en rond.

Le Steven Soderbergh annuel est une série. Full Circle arrive sur Canal + en léger différé des Etats-Unis, quelques mois après sa diffusion sur HBO Max. Ce thriller en six épisodes a été écrit par Ed Solomon, qui avait déjà imaginé pour Soderbergh le succulent polar No Sudden Move, ainsi que la série casse-tête Mosaic, qui pouvait se suivre soit de façon linéaire, sur HBO, soit via une app dédiée, où le spectateur était invité à se balader dans un dédale narratif.

Le goût des ramifications, des enchevêtrements scénaristiques sophistiqués, est également au cœur de Full Circle, qui devait elle aussi à l’origine être une série "bimédia", comme Mosaic, avant que Soderbergh et Solomon ne reculent devant l’ampleur de la tâche et n’optent finalement pour un format plus classique. Blindée au générique de noms connus (Claire Danes, Zazie Beetz, Timothy Olyphant, CCH Pounder, Dennis Quaid…), Full Circle emprunte son argument à un classique d’Akira Kurosawa, Entre le ciel et l’enfer (1963), lui-même adapté d’un bouquin d’Ed McBain : à New York, un adolescent est enlevé, une demande de rançon est adressée à ses parents fortunés habitant un appartement luxueux de la 5ème Avenue, mais ceux-ci finissent par se rendre compte que le ravisseur s’est trompé de victime et a enlevé un autre enfant, venant d’une famille beaucoup moins aisée financièrement…

A partir de là, Solomon et Soderbergh déroulent une pelote qui va impliquer un clan mafieux originaire du Guyana, une étrange histoire de malédiction à laquelle ce kidnapping foireux était censé mettre un terme, de vilains secrets de famille, une pincée d’occultisme… L’intrigue, tentaculaire, vise à livrer une vision panoramique de la société – le "full circle" du titre – qui va bien au teint du réalisateur de Traffic et qui entend interroger la culpabilité des nantis et les répercussions morales de l’impérialisme économique américain.

Full Circle
Canal+

Des sujets très sérieux, donc, mais que Steven Soderbergh entend traiter dans un style alerte, vif, sur la brèche, à la Sidney Lumet. Dans les deux premiers épisodes, qui mettent en place le puzzle et qui culminent lors d’une nuit d’angoisse à Washington Square, le cinéaste retranscrit brillamment une atmosphère new-yorkaise nocturne dangereuse, oppressante, et communique très bien la fièvre, la peur et l’urgence qui habitent les personnages. La série peine malheureusement à garder cette intensité tout au long de ses six heures, nombre de ses rebondissements finissant par ressembler à du remplissage.

Le style privilégié ici par Soderbergh, très proche d’ailleurs de celui de Mosaic (caméra portée, longues prises offrant beaucoup de liberté aux comédiens), s’il fonctionne bien dans les moments de suspense, se dilue à force de conversations monotones en huis-clos, toutes traitées de la même façon, et qui finissent par donner une étonnante sensation d’improvisation. On croit parfois devant certaines scènes assister à des répétitions, ou à un atelier théâtral saisi par une caméra embedded – comme si le cinéaste tournait un documentaire sur ses acteurs en train de chercher leurs personnages. Sensation augmentée par le fait que toutes les stars conviées ici n’ont pas l’air de jouer la même partition – Zazie Beetz casse régulièrement l’ambiance de drame policier suffocant en se la jouant cool et ironique, comme si elle était dans Hors d’atteinte. Le sentiment d’urgence que cherche à saisir Soderbergh finit par se retourner contre lui et donner l’impression qu’il est surtout très pressé de passer à la prise suivante. Il faut dire que l’homme a un planning à respecter. Il vient de présenter un nouveau film, Presence, à Sundance. Le prochain, Black Bag, est déjà sur le feu. Full Circle, pour lui, c’est déjà de l’histoire ancienne. Une série (trop) vite emballée.

Full Circle, créée par Ed Solomon, réalisée par Steven Soderbergh, avec Zazie Beetz, Claire Danes, Timothy Olyphant… Sur Canal +.