Toutes les critiques de L'exorciste, au commencement

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    La chrétienté, ce n'est pas le truc de Renny Harlin. Pourtant il "croit" avec ostentation aux images. Curieux paradoxe, suggérant que le cinéma de Renny Harlin se révèle bien plus jouissif lorsqu'il s'agit de filmer des voitures (Driven) que la foi religieuse. A chacun ses icônes.
    Au commencement, il y a Paul Schrader, scénariste et cinéaste augustinien, habité par les questions du doute, de la rédemption et de la foi dans la religion chrétienne. Au final, il y a Renny Harlin, réalisateur agnostique et malabar d'un cinéma d'artificier joyeusement forain (L'Ile aux pirates serait l'exemple du pire et Driven du meilleur). Soit L'Exorciste : Au commencement, prequel (« ce qui se passe avant ») d'une fausse trilogie entamée il y a plus de trente ans déjà. Cet écart, entre Paul Schrader évincé du projet pour avoir tourné des scènes jugées par la production trop complexes, métaphysiques et surtout pas assez violentes, et l'arrivée de Harlin pour sauver l'engin, pose immédiatement le film dans la catégorie des films malades. A l'image d'un Flying Leatherneck à moitié tourné par Nicholas Ray ou d'un Macao signé Josef von Sternberg mais co-réalisé par ce même Nicholas Ray, L'Exorciste : Au commencement laisse apercevoir, au milieu des décombres, le squelette du film probable de Schrader.Cette prequel reprend pour personnage le Père Lankester Merrin (Stellan Skarsgård), déjà présent dans le premier opus de William Friedkin (1973). Tourmenté et hanté par les souvenirs des atrocités de l'Allemagne nazie qu'il fût contraint de subir, Merrin s'est enfui au Caire où il exerce désormais le métier d'archéologue. Intrigué par la proposition d'un amateur d'antiquités, Merrin accepte de partir pour le Kenya afin d'explorer la fouille d'une église byzantine, fait a priori historiquement improbable. Des événements surnaturels ont lieu, très vite il s'avère que l'église cache un secret diabolique.On se doute qu'à partir du même script, Schrader aurait tiré de L'Exorciste : Au commencement une matière prompte à plonger dans des interrogations autrement plus profondes que n'en est capable Harlin. Retourné à 90%, le film est devenu un drôle d'objet. Bâtard, à l'image du regard mêlé des deux hommes, le film de Harlin déploie une absence totale de foi en son sujet. Filmer l'étrangeté, le doute, des questions théologiques, créer un sentiment de peur, faire faillir les convictions du spectateur, ce n'est pas son terrain. Son truc, c'est plutôt l'action qui passe ou qui casse. Ainsi, le film d'enchaîner tout un folklore de croix renversées, de corbeaux plus hostiles que des vautours, de surgissement d'hyènes enragées déchiquetant un enfant, de crises de possession mêlées à un vaudou local dégénéré, jusqu'à l'apparition du diable, encore plus contorsionniste (images de synthèse aidant) que dans le film de Friedkin. Comme si cela ne suffisait pas, le film s'appuie sur un mixage pompier, et sur une lumière filtrée à outrance afin d'accentuer l'aspect afro-exotique du contexte. Décidé à pirater le projet de fond en comble, Harlin abuse d'effets massues, d'un montage où les flash back sur le passé tourmenté de Merrin virent au risible. Volontiers grand guignol, le film s'enfonce lentement dans une esthétique de bazar semi-grotesque.A la sortie du film de Friedkin, le public américain, au lieu d'être terrorisé, avait plutôt ri. Aujourd'hui, on pourrait se demander si le film de Harlin ne recèle pas ce retour aux sources vers une certaine forme de dérision face au sujet. Seulement non, rire de tout ça revient à regarder au second degré un objet dont le ridicule est exempt d'un quelconque charme. D'autant que le film prend finalement assez peu de distance. L'Exorciste : Au commencement version Renny Harlin restera le brouillon chaotique et dégénéré, la version musclée à la hache du film de Paul Schrader que l'on rêve de voir un jour. En soi, une certaine idée du bien et du mal.L'Exorciste : Au commencement
    Un film de Renny Harlin
    Etats-Unis, 2004 - Durée : 1h52
    Avec : Stellan Skarsgård, James d'Arcy, Remy Sweeney…[Illustration : Photos © Warner Bros France]
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