Affiches sorties de film mercredi 9 mars 2022
StudioCanal/ L'Atelier Distribution/ Ad Vitam

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
GOLIATH ★★★★☆

De Frédéric Tellier

L’essentiel

Le réalisateur de L’Affaire SK1 s’empare de la question des pesticides dans un film choral qui explore son sujet par une multitude d’angles, avec un sens de la pédagogie parfaitement maîtrisé. Aussi passionnant qu’angoissant, un film engagé… et engageant.

Pour son troisième long métrage après L’Affaire SK1 et Sauver et périr, Frédéric Tellier s’empare du sujet des pesticides et des dommages collatéraux de leur utilisation intensive en agriculture, dans cette même idée d’un film de lanceur d’alerte sur le combat entre le pot de terre et le pot de fer, entre David et… Goliath. Pour cela, il s’appuie d’abord sur la connaissance dans les moindres détails de celui- ci, pour explorer la complexité de la question. Et dans cette même logique, il choisit de construire un récit en mode choral, embrassant donc une multitude de points de vue. Celui d’une prof dont le mari est en train de crever simplement parce qu’ils vivent à côté d’un champ arrosé quotidiennement de pesticides. A l’autre bout du spectre, celui d’un lobbyiste qui défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie sans remords ni regret, expliquant que si ce n’est pas lui qui fait le sale boulot, ce sera un autre. Et au centre, un avocat spécialiste en droit environnemental, abîmé par la vie et l’alcool, prêt à remonter sur le ring pour défendre un couple de jeunes agricultrices, dont l’une s’est donnée la mort

Ecrit avec Simon Moutaïrou, le scénario de Goliath tient de la mécanique de précision dans la manière de faire apparaître, un temps s’éloigner puis ressurgir ces trois figures là et les personnages secondaires qui les entoure, sans en perdre un au passage, sans privilégier une histoire par rapport une autre. Mais surtout, il y a chez Tellier un refus de l’efficacité pour l’efficacité. Un désir, par exemple de prendre le temps de contempler les choses comme ces plans célébrant une nature sublime pour raconter par ricochet cette beauté que l’abus de glyphosates risque de détruire. Il peut se le permettre car il propose dès l’ouverture de Goliath un pacte avec le spectateur. Celui de ne jamais rien prémâcher pour que chacun s’empare à son rythme d’un récit et des personnages incarnés par des acteurs emballants, en tête desquels Pierre Niney saisissant de violence implacable en lobbyiste mais aussi Gilles Lellouche poignant en homme brisé qui va peu à peu comprendre son combat voué à l’échec et Emmanuelle Bercot déchirante en femme refusant de s’enfermer dans un statut de victime quitte à apparaître peu aimable. Sans jamais confondre ambition et prétention, Goliath permet à Frédéric Tellier de prendre encore une nouvelle dimension.

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

LA MIF ★★★★☆

De Frédéric Baillif

Documentaire ou fiction ? C’est précisément un mélange des genres parfaitement orchestré que signe Frédéric Baillif avec cette fiction documentée avec soin, au fil d’un travail de deux ans où Baillif a construit ce long métrage avec ses jeunes interprètes (toutes stupéfiantes de justesse) pour explorer un sujet que tous connaissaient pour l’avoir fréquenté comme éducateurs ou pensionnaires : le quotidien d’un foyer d’accueil pour enfants et ados où une relation sexuelle interdite entre une ado de 16 ans et un garçon de 14 ans va mettre le feu ou poudre. Construit en chapitrages et dans un jeu de flashbacks et flashforwards – pour offrir des angles différents à certaines situations - admirablement maîtrisés, La Mif réussit à être au plus proche de ses personnages grâce à une caméra qui épouse chacun de leurs mouvements tout en ayant du recul sur ces situations explosives. Baillif maîtrise son sujet sur le bout des doigts tout en laissant un souffle de liberté traverser chaque plan. Une telle puissance émotionnelle vous laisse KO debout.

Thierry Cheze

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SOY LIBRE ★★★★☆

De Laure Portier

La documentariste Laure Portier filme son frère, Arnaud Gomez. Par bribes, sur une longue période. On attrape des infos à la volée. Enfance douloureuse, séjours en prison… On voit Arnaud taguer un métro, foutre le feu à un scooter, dormir dans la rue… Il finit par prendre la tangente, quitte la France pour l’Espagne, puis le Pérou. Il se prend régulièrement la tête avec sa sœur, derrière la caméra, dans des conversations qui soulignent la part de mise en scène à l’œuvre ici. Il se fout de la gueule des « babas cool de la culture » (nous, donc), qui se pâmeront devant ce concentré de « rage ». Construit de façon impressionniste, le film frappe par sa forme revêche, abrasive, pas commode. Puis finit par bouleverser, au fil d’un lent processus où le regard patient et amoureux de la réalisatrice finit par transformer son sujet, son frère, en extraordinaire héros de cinéma.

Frédéric Foubert

SANS FRAPPER ★★★★☆

De Alexe Poukine

La réalisatrice Alexe Poukine filme plusieurs comédiennes de tous âges récitant le long témoignage morcelé et recousu d’une femme, violée de façon répétée par un de ses amis lorsqu’elle avait 19 ans. Un témoignage auquel se mêlent d’autres récits et d’autres expériences autour des diverses dominations masculines qui nous entourent. Le procédé, implacable et glaçant, ne laisse personne indemne ; ni ses interprètes, dont la caméra capte intentionnellement les hésitations et les bouleversements ; ni les spectateurs qui prennent la force du récit en pleine poire. Ce double impact qui agit à la fois à l’intérieur du film et à l’extérieur est -pardon pour cette expression apparemment triviale- d’une violence salutaire.

Sylvestre Picard

 

PREMIÈRE A AIME

PETITE NATURE ★★★☆☆

De Samuel Theis

Johnny (Aliocha Reinert, formidable), 10 ans, veut bondir, s’ouvrir, quitter la barre HLM où stagnent sa mère, son beau-père... C’est un garçon ultra-sensible aux cheveux blonds et longs. Tout le monde voit en lui un objet de curiosité, quand lui, n’aspire qu’à bouger de sa ligne. Son instituteur voudrait accompagner cette mue. Mais là où ce récit autobio de Samuel Theis aurait pu devenir un anti-Quatre Cent Coups, célébrant les valeurs de l’école républicaine, il prend l’allure d’un survival à hauteur d’un enfant qui va finir par encombrer ceux-là même qui essayent de le porter. Johnny s’incruste, interprète à sa façon l’affection des adultes. Il a raison sans pour autant que les autres aient tort. Samuel Theis, déjà co- réalisateur de Party Girl (Caméra d’Or 2014 à Cannes) revient aux sources de son enfance dans la ville de Forbach en Moselle. Et signe un film touchant dont la justesse tient de la vérité qui émane de chaque morceau d’un film faussement fragile.

Thomas Baurez

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LA CAMPAGNE DE FRANCE ★★★☆☆

De Sylvain Desclous

Sylvain Desclous (Vendeur) signe son premier documentaire pour le grand écran en plongeant dans la campagne municipale de Preuilly-sur-Claise (le village de son grand- père) qu’il prend le parti de raconter en suivant une des trois listes en lice. Un choix gagnant car il permet - au lieu de chercher une exhaustivité impossible en 1h38 - de creuser les relations entre ses membres à commencer par la tête de liste et son numéro 2. Un mariage sur le papier impossible entre un Parisien consultant en intelligence artificielle partisan d’une campagne pacifiée revenu s’installer dans son village d’enfance et la grande gueule du coin, la gauche chevillée au corps, prêt à en découdre. Il y a un côté buddy- movie dans La Campagne de France mais on le vit en empathie avec ces « personnages ». Et le film évolue brillamment entre questionnement sur les limites de la démocratie participative et moments d’émotion à vous fendre le cœur comme quand la fameuse « grande gueule » que rien ne semblait pouvoir atteindre comprend qu’il a perdu l’ultime combat de sa vie. La politique à hauteur d’hommes.

Thierry Cheze

MA NUIT ★★★☆☆

De Antoinette Boulat

Après le journalisme et la direction de casting, Antoinette Boulat aborde une nouvelle étape de sa vie :  réalisatrice. Elle filme ici déambulations nocturnes d’une jeune femme fuyant l’appartement familial où sa mère commémore le cinquième anniversaire de la mort de sa sœur. Une nuit faite de soirées improvisées et de rencontres impromptues, dont celle d’une autre solitude, celle d’Alex (Tom Mercier, impérial) qui, après un premier contact chaotique, va la conduire vers l’apaisement. Il est aussi bien question ici de cette masculinité toxique encore plus menaçante quand la nuit vient que de la difficulté de faire le deuil d’un être cher. Antoinette Boulat y filme l’ennui avec une grâce sensible qui rappelle La Fille seule de Jacquot. Et elle propulse au premier plan une comédienne fascinante : Lou Lampros, dont l’intensité dans les moments de silence vous hante longtemps.

Thierry Cheze

LES MEILLEURES ★★★☆☆

De Marion Desseigne- Ravel

Bande de filles, Divines, Bonne mère… Le prisme masculin dominant quand il s’agit de raconter le quotidien des banlieues a heureusement ses exceptions, auxquelles vient s’adjoindre ce premier long. Marion Desseigne-Ravel y parle d’amour ou plus précisément d’un amour impossible quand on a une réputation à tenir. Un amour entre deux jeunes femmes. Celui de Nedjma pour sa nouvelle voisine Zina, si puissant qu’il va balayer ses peurs sur le regard des autres, avant que la réalité ne la rattrape et qu’elle subisse le rejet violent de ses amies et de sa sœur ainsi que les insultes des gens de son quartier. La cinéaste raconte l’homophobie au quotidien, les effets du communautarisme dans ce qu’ils peuvent avoir de plus violents chez les plus jeunes sans pour autant se faire donneuse de leçons. Un exercice d’équilibriste réussi porté par le duo Lina El Arabi- Esther Rollande, renversantes de justesse et de complicité.  

Thierry Cheze

KUNG FU ZOHRA ★★★☆☆

De Mabrouk El Mechri

Une femme battue apprend les arts martiaux pour rendre enfin les coups face à son mari violent. Rien à dire sur ce pitch réjouissant : le problème du film est qu’il cherche à mélanger beaucoup trop de styles différents. Le réalisme dramatique, la comédie absurde et le film de kung-fu vintage. Trois cinémas qui ont l’air de s’être sévèrement castagnés en salle de montage (des personnages apparaissent et disparaissent sans logique, le générique de fin contient une énorme séquence de baston…). Mais voilà, Sabrina Ouazani et Ramzy Bedia sont absolument surpuissants, à la fois dans le naturel et le « surjeu », et bouffent chaque scène jusqu’à leur ultime -et fabuleux- combat. Rien que pour leur duo, on vous assure que ça vaut le coup.

Sylvestre Picard

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THE HOUSEWIFE ★★★☆☆

De Yukiko Mishima

En attendant la sortie prochaine du très beau Aristocrats de Yukiko Sode (le 30 mars), voici Housewife de Yukiko Mishima, prônant lui-aussi la relève au féminin, du cinéma japonais. Les deux films partagent, en effet, une même envie des réalisatrices d’ausculter de l’intérieur la place de la femme au sein de la société nippone contemporaine via l’adaptation d’un roman. Dans The Housewife, Toko, une jeune mère au foyer a mis ses rêves professionnels de côté pour laisser son mari vivre les siens. Ainsi va la vie monotone, jusqu’au jour où Toko recroise un ancien amant et réintègre un cabinet d’architecture. Son monde va dès lors s’embraser à nouveau. Yukiko Mishima ose ici le mélodrame portant haut la fièvre des sentiments. The Housewife devient ainsi une magnifique danse macabre. Car, oser l’aventure pour se retrouver, c’est accepter de sacrifier une part de soi-même.

Thomas Baurez

A DEMAIN MON AMOUR ★★★☆☆

De Basile Carré- Agostini

Les joies de la retraite, quand on est le fameux couple de sociologues Monique et Michel, Pinçon-Charlot, c’est de s’engager dans le combat contre les ultra-riches. Le film les suit dans leur quotidien, leurs trajets en métro, leurs repas tandis qu’ils tentent de saisir la colère des Gilets Jaunes. Ça nous rendrait presque nostalgique. S’il saisit de chouettes moments, le film semble quand même se satisfaire de la présence de ses deux sympathiques héros, et de dérouler des fragments, sans réelle vision d’ensemble : le film s’achève sur les premiers mois de la pandémie, et il est ainsi dommage de ne pas avoir mentionné la présence (apparemment manipulée et tronquée, mais regrettable) de Monique Pinçon-Charlot dans le film complotiste Hold-up.

Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

DES MOTS QUI RESTENT ★★☆☆☆

De Nurith Aviv

Il y a les langues vivantes, les langues mortes et les survivantes. Ce documentaire de Nurith Aviv (Traduire) s’intéresse aux dernières. En écoutant des hommes et des femmes porteurs d’une langue - celle de leur enfance - menacée d’extinction, le film offre la possibilité d’en garder la trace au-delà de l’oubli. Il n’est question dans ce film que des « mots » dérivés de l’hébreu (le judéo-espagnol, judéo-arabe, judéo-persan) et de la façon dont ils ont voyagé de famille en famille au gré des tourments de l’Histoire ou des trajectoires personnelles. Mais surtout c’est la façon dont une langue réussit à s’incarner pour parvenir à transmettre quelque chose, qui fascine ici. Le dispositif qui voit s’enchaîner face caméra les six intervenants a le mérite de la simplicité même s’il rend l’ensemble un tantinet monotone. Dommage.

Thomas Baurez

WOMEN DO CRY ★★☆☆☆

De Mila Mileva et Vesela Kazakova

Mina Mileva et Vesela Kazakova ont décidé pour leur premier long métrage de fiction de dénoncer les ravages du patriarcat et de la misogynie dans la société bulgare à travers le prisme d’une famille majoritairement composée de femmes. Les premiers instants du film centrés sur une jeune femme atteinte du SIDA (Maria Bakalova, l’héroïne de Borat, nouvelle mission filmée, remarquable), le rejet violent que lui vaut cette maladie et sa certitude que toute vie sexuelle lui est désormais interdite, expriment dans un mélange parfait de tension et d’humour ravageur toute la violence de ce sexisme systémique. Women do cry aurait gagné à être centré sur elle mais le choix de multiplier la mise en avant des autres membres de la famille et l’amoncellement des dommages traumatiques de chacune donnent au film un côté catalogue qui fait perdre de la puissance à ce cri de révolte. Qui trop embrasse mal étreint.

Thierry Cheze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

MURDER PARTY ★☆☆☆☆

De Nicolas Pleskof

Un whodunit teinté d’escape game et de Cluedo, sous influence visuelle du cinéma hollywoodien des années 50. Voilà comment résumer ce premier long métrage où une jeune architecte chargée de réhabiliter le manoir de la famille Daguerre – qui a fait fortune dans les jeux de société – se retrouve embarquée dans un jeu d’enquête grandeur nature, après l’assassinat sous ses yeux du patriarche. Un premier long comme un exercice de style, tant visuellement (la prime aux couleurs vives, façon Technicolor) que dans le déploiement d’un récit forcément riche en rebondissements comme l’exige le genre. Sauf que les ambitions affichées peinent à se concrétiser. Précisément parce qu’ici l’exercice de style prime trop sur le reste et abime la mécanique de précision, socle de tout grand whodunit. A trop vouloir rajouter des couches et des degrés, Murder party se perd dans des circonvolutions artificielles et nous perd par ricochet.

Thierry Cheze

 

Et aussi

Climbing blind, de Alastair Lee

Les Gardiens du climat, de Erik Fretel

L’Homme de Dieu, de Yelena Popovic

Permis de construire, de Eric Fraticelli

Théo et les métamorphoses, de Damien Odoul

Reprises

Les Onze Fioretti de François d’Assise, de Roberto Rossellini

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